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Page:Hoefer - Biographie, Tome 11.djvu/491

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957 CORTÉS 958

hommes. Malgré des prodiges de valeur, jamais les Espagnols et les Tlascalans ne se seraient fait jour à travers cette multitude, si la mort d’un cacique, chef suprême des Aztèques, tué de la main même de Cortés, ne les eût effrayés et décidés à la fuite. La journée du 8 juillet 1520 fut peut-être celle où les conquérants du Mexique coururent le plus de dangers ; et comme l’a dit M. Prescott, « sans l’étoile de Cortés, pas un Espagnol n’eût survécu pour transmettre à la postérité le récit de la sanglante bataille d’Otumba ». Cette victoire ouvrit aux Espagnols la route de Tlascala, et Cortés, comprimant les murmures de ses soldats, qui voulaient renoncer à l’expédition, et le mécontentement des Tlascalans, excités en secret par Xicotencatl, se prépara à prendre sa revanche sur les Aztèques.

Au bout de six mois, consacrés à réorganiser son armée et à nouer des relations avec les vassaux mécontents de l’empire aztèque, Cortés porta son quartier général à Tezcuco, où l’appelait un prince de la famille royale nommé Ixtliloxchitl. Quatre mois lui furent encore nécessaires pour achever ses préparatifs et pour faire construire à Tlascala des brigantins destinés à détruire les canots des Aztèques et à s’emparer du lac de Mexico. Ces brigantins, au nombre de treize, transportés sur les épaules des Tamanes à travers près de vingt lieues de montagnes, furent lancés sur le lac le 28 avril 1521. Le même jour le général passa la revue de ses troupes, sur la grande place de Tezcuco. Elles se montaient à quatre-vingt-sept cavaliers et huit cent dix-huit fantassins, dont cent dix-huit arquebusiers et arbalétiers. Il avait trois grosses pièces de campagne en fer et quinze fauconneaux de bronze. Il était abondamment fourni de balles et de boulets ; il possédait environ mille livres de poudre et cinquante mille flèches garnies de pointes de cuivre. On peut évaluer à cent mille hommes ses alliés Indiens. Telles étaient ses forces et ses moyens d’attaque contre la puissante Mexico, où deux cent mille habitants, guerriers, vieillards, femmes et enfants, étaient renfermés, bien résolus à s’ensevelir sous les ruines de la ville. Mexico, bâtie sur pilotis dans les îlots du lac, ne tenait à la terre ferme que par trois longues chaussées. Elles furent occupées par Alvarado, Olid et Sandoval, tandis que Cortés, à la tête des brigantins, attaquait la place du côté du lac. Le siège commença le 30 mai ; il continua pendant un mois, partiellement et avec des chances diverses. Le jour les Espagnols pénétraient dans l’enceinte de la ville après des combats acharnés, s’emparaient des ponts, comblaient les fossés, brûlaient les maisons, tuaient un grand nombre d’ennemis ; puis avec la nuit les Mexicains reprenant l’avantage, forçaient les assaillants à la retraite, élevaient de nouveaux retranchements et creusaient de nouveaux fossés. Le lendemain tout était à recommencer pour les assiégeants. Fatigué de


tant d’efforts inutiles, Cortés voulut tenter un effort décisif : deux divisions, commandées par lui-même et par Alvarado, marchèrent par deux chaussées différentes sur la grande place de Mexico. Cette opération téméraire eut l’issue la plus malheureuse. La division de Cortés, rejetée en désordre sur ses quartiers et avec des pertes considérables, laissa entre les mains des Mexicains deux pièces de campagne, soixante-deux Espagnols et une multitude d’alliés. Cortés n’échappa que par miracle, et il eût été infailliblement tué si les Aztèques n’avaient tenu à le prendre vivant pour le sacrifier à leurs dieux. La division d’Alvarado opéra sa retraite avec assez d’ordre, mais non sans beaucoup de pertes. Pendant que Cortés essayait de prévenir les suites de cette déroute, les Mexicains, enflés de leurs succès, se livraient à la joie, dansant, chantant, immolant leurs prisonniers à la vue des assiégeants épouvantés, et se repaissant de la chair des victimes. On comprend quels sentiments ce hideux spectacle laissa au cœur des Espagnols, témoins impuissants de l’immolation de leurs compatriotes. Les prêtres mirent le comble à la joie des Mexicains en leur annonçant que le terrible Huitzilopochtli, leur divinité offensée, se laissant apaiser par les sacrifices offerts sur ses autels, prenait de nouveau les Aztèques sous sa protection et leur livrerait leurs ennemis avant l’expiration de huit jours. Cette nouvelle parvint rapidement au camp des assiégeants, et répandit parmi les Indiens auxiliaires la plus grande consternation. Ils profitèrent de la nuit pour s’éloigner du camp. Les Tlascalans eux-mêmes ne résistèrent pas à la panique générale, et partirent. Il ne resta guère avec Cortés que Ixtlilxochitl, le jeune roi de Tezcuco, et ChichemecatI, le vaillant chef tlascalan, avec un petit nombre de leurs compatriotes. Cortés ne s’effraya pas de cette désertion ; il redoubla de vigilance, et resserra le blocus de Mexico, où la famine commençait à faire de cruels ravages. Les huit jours se passèrent, et la divinité mexicaine ne livra point les chrétiens à ses adorateurs. Les alliés revinrent, honteux de leur crédulité, et pleins d’une animosité qu’irritait encore l’artifice dont ils avaient été dupes. Désespérant d’enlever Mexico d’un seul coup, Cortés prit le parti de l’emporter, pour ainsi dire, maison par maison, rasant les édifices ([1]) à mesure qu’il avançait, et comblant les canaux avec les décombres. Ce plan entraînait la destruction complète de la capitale. Le conquérant aurait voulu s’épargner cette cruelle nécessité ; il fit faire à Guatemozin, successeur de Montezuma, les offres les plus libérales, ne lui demandant que de reconnaître la suzeraineté de l’Espagne, et promettant de respecter les personnes, les propriétés, et les droits politiques des Aztèques. Ses propositions furent re-

  1. (1) « C’était une chose triste à voir, dit Cortés en parlant de la destruction d’un des principaux édifices ; mais cela rentrait dans le plan de nos opérations, et nous n’avions pas d’autre alternative. »