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tezuma à se reconnaître vassal et tributaire de Charles-Quint et à partager entre les Espagnols les trésors amassés dans les palais royaux de Mexico. Puis, comme chez les conquistadores une foi ardente se mêlait toujours à la rapacité, il se fit livrer un des sanctuaires du grand Teocalli (temple) pour en faire une chapelle catholique. Le peuple avait tout enduré. Il avait vu sans se soulever son souverain captif, ses caciques égorgés, ses trésors mis au pillage ; mais la profanation publique de ses temples lui parut le dernier et le plus insupportable des outrages, et les prêtres se hâtèrent d’exploiter cet incident. Aussitôt tout changea de face au quartier des Espagnols : le soldat mangeait, buvait, dormait avec ses armes sous la main ; son cheval restait harnaché nuit et jour. Les canons étaient disposés de manière à commander les grandes avenues. Les sentinelles étaient doublées. En un mot, la garnison fut mise en état de siège. Telle était la position de l’armée, lorsque Cortés reçut de Vera-Cruz les nouvelles les plus alarmantes.

Velasquez, après avoir tenté vainement d’arrêter Cortés dans les ports de Cuba, venait d’envoyer contre lui Narvaez, avec une flotte composée de dix-huit bâtiments ; elle portait neuf cents Européens, dont quatre-vingts cavaliers, et un millier d’Indiens. À cette nouvelle Cortés prit son parti avec sa décision ordinaire. Laissant à Mexico, sous les ordres d’Alvarado, les deux tiers de sa petite armée, toute son artillerie, la plupart de ses cavaliers et de ses arquebusiers, il partit pour la Vera-Cruz le 20 mai 1520, avec soixante-dix soldats d’élite. Il rallia à Cholula cent-cinquante soldats confiés à Velasquez de Léon, pour fonder une colonie, et descendit rapidement vers Cempoalla, quartier général de Narvaez, en ramassant quelques auxiliaires indiens, et en nouant avec les officiers et les soldats du lieutenant de Velasquez des négociations qui devaient faciliter la défaite de cette armée. Informé que Narvaez était un général brave, mais fort négligent, il pénétra dans Cempoalla à la faveur d’une nuit pluvieuse et très-obscure, surprit l’armée endormie, la dispersa et s’empara de Narvaez. Le lendemain, les soldats de celui-ci firent leur soumission au vainqueur, qui vit ainsi son armée plus que doublée par un événement qui aurait dû le perdre entièrement. Cortés s’occupait de l’organisation de ses nouvelles troupes, lorsqu’il fut rappelé à Mexico par un courrier d’Alvarado ; celui-ci, pour effrayer la population de la capitale et lui enlever ses chefs, avait, le jour de la fête du dieu Huitzilopochtli fait massacrer six cents caciques. Cette atrocité avait hâté l’explosion de l’insurrection qu’elle était destinée à prévenir. Les Espagnols avaient eu à subir un assaut qui leur avait coûté sept hommes, et ils étaient étroitement bloqués lorsque, le 24 juin 1520, Cortés rentra dans Mexico, à la tête de douze


cent cinquante Espagnols et de huit mille guerriers indigènes, la plupart Tlascalans.

L’arrivée de Cortés fut le signal d’un nouvel assaut. Montezuma,qui par son intervention avait d’abord calmé le tumulte, voulut tenter de nouveaux efforts ; mais il fut blessé mortellement d’un coup de pierre à la tempe ; et sa mort enlevant le dernier intermédiaire qui pût arrêter la lutte, Mexico devint un champ de bataille où les Aztèques et les Espagnols combattirent avec le même acharnement, mais sans avantage décisif d’aucun côté. Seulement les premiers se battant plus de mille contre un devaient à la longue l’emporter sur les derniers, qui d’ailleurs commençaient à manquer d’eau et de vivres. Dans de pareilles circonstances, il devenait indispensable d’évacuer Mexico ; mais la retraite présentait les plus graves difficultés. Cortés décida qu’elle aurait lieu la nuit, et par la chaussée de Tlacopan. Comme cette chaussée était traversée en trois endroits par des canaux, il fit construire un pont volant qui devait être placé successivement sur chacune des coupures de la digue. Ce fut une grande faute de n’avoir pas fait construire trois ponts ; mais c’eût été un travail considérable, et le temps manquait. La dernière nuit de juin, par un temps couvert et une pluie fine, l’armée s’avança en silence, le long de la grande rue déserte de Tlacopan. Au point où la rue se joignait à la chaussée on jeta le pont, et l’armée commença à défiler ; mais à peine l’avant -garde avait-elle passé, que les Mexicains, se précipitant par les rues latérales et couvrant les canaux de légères embarcations, attaquèrent les Espagnols en queue et en flanc. Dans le désordre, il devint impossible d’enlever le pont, et les fugitifs furent forcés de se jeter dans l’eau pour traverser les deux dernières coupures de la chaussée, qui n’offrit bientôt dans toute sa longueur que confusion et carnage. Le lendemain Cortés rallia les débris de ses troupes près de Tlacopan, et put apprécier l’étendue de ses pertes. Quatre cent cinquante Espagnols et quatre mille Indiens manquaient. Le trésor, les bagages, les munitions, l’artillerie étaient perdus ; la cavalerie était réduite à vingt-trois hommes. Enfin, Juan Velasquez de Léon, qui commandait l’arrière-garde avec Alvarado, avait été tué. Cette sanglante retraite a gardé dans les fastes de la conquête du Mexique le nom de Noche triste ( la nuit fatale ). Les Espagnols se dirigèrent sur Tlacala par Quauhtitlan, dans l’espoir d’éviter les Mexicains ; mais lorsque, après sept jours de la marche la plus pénible, ils atteignirent le rideau de montagnes qui domine les plaines d’Otompan ou d’Otumba, ils aperçurent en face d’eux et leur fermant la route de Tlascala toute l’armée aztèque. La retraite était impossible : il fallait passer sur le corps de l’ennemi ou mourir. Cortés fit ses dispositions à la hâte, et se précipita au milieu des masses ennemies, qui s’élevaient ,dit-on, à 200,000