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9 ALFIERI - ALFONSE 10
ne sont pas présentées avec les gradations de la vérité. Si les tyrans supportaient dans la vie ce que les opprimés leur disent en face dans les tragédies d’Alfieri, on serait presque tenté de les plaindre. La pièce d’Octavie est une de celles où ce défaut de vraisemblance est le plus frappant. Sénèque y moralise sans cesse Néron, comme s’il était le plus patient des hommes, et lui Sénèque le plus courageux de tous. Le maître du monde, dans la tragédie, consent à se laisser insulter et à se mettre en colère à chaque scène pour le plaisir des spectateurs, comme s’il ne dépendait pas de lui de tout finir avec un mot. Certainement ces dialogues continuels donnent lieu à de très-belles réponses de Sénèque, et l’on voudrait trouver dans une harangue ou un ouvrage les nobles pensées qu’il exprime ; mais est-ce ainsi qu’on peut donner l’idée de la tyrannie ? Ce n’est pas la peindre sous ses redoutables couleurs, c’est en faire seulement un but pour l’escrime de la parole. Mais si Shakspeare avait représenté Néron entouré d’hommes tremblants, qui osent à peine répondre à la question la plus indifférente ; lui-même cachant son trouble, s’efforçant de paraître calme ; et Sénèque près de lui travaillant à l’apologie du meurtre d’Agrippine ; la terreur n’eût-elle pas été mille fois plus grande ? et, pour une réflexion énoncée par l’auteur, mille ne seraient- elles pas nées dans l’âme des spectateurs, par le silence même de la rhétorique et la vérité des tableaux ? »

« Alfieri, par un hasard singulier, était, pour ainsi dire, transplanté de l’antiquité dans les temps modernes ; il était né pour agir, et il n’a pu qu’écrire : son style et ses tragédies se ressentent de cette contrainte. Il a voulu marcher par la littérature à un but politique. Impatienté de vivre au milieu d’une nation où l’on rencontrait des savants très-érudits et quelques hommes très-éclairés, mais dont les littérateurs et les lecteurs ne s’intéressaient pour la plupart à rien de sérieux, et se plaisaient uniquement dans les contes, dans les nouvelles, dans les madrigaux ; Alfieri, dis-je, a voulu donner à ses tragédies le caractère le plus austère. H en a retranché les Confidents, les coups de théâtre, tout, hors l’intérêt du dialogue. Il semblait qu’il voulût ainsi faire faire pénitence aux Italiens de leur vivacité et de leur imagination naturelle ; il a pourtant été fort admiré, parce qu’il est vraiment grand par son caractère et par son âme, et parce que les habitants de Rome surtout applaudissent aux louanges données aux actions et aux sentiments des anciens Romains, comme si cela les regardait encore. Ils sont amateurs de l’énergie et de l’indépendance comme des beaux tableaux qu’ils possèdent dans leurs galeries. Mais il n’en est pas moins vrai qu’Alfieri n’a pas créé ce qu’on pourrait appeler un théâtre italien, c’est-à-dire des tragédies dans lesquelles on trouvât un mérite particulier à l’Italie ; et même il n’a pas caractérisé les mœurs des pays et des siècles qu’il a peints. Sa Conjuration des Pazzi, Virginie, Philippe II, sont admirables par l’élévation et la force des idées ; mais on y voit toujours l’empreinte d’Alfieri, et non celle des nations et des temps qu’il met en scène. Bien que l’esprit français et celui d’Alfieri n’aient pas la moindre analogie, ils se ressemblent en ceci, que tous les deux font porter leurs propres couleurs à tous les sujets qu’ils traitent[1]. »

Vita di Vittorio Alfieri, scritta da esso. — Lombardi, Storia della letteratura italiana nel secolo XVIII. — Antonio Buccellini, Elogio de Vitt. Alfieri, Padoue, 1811, in 8°. — Serafico Grassi, Dissertazione in lode di Vitt. Alfieri ; Milan, 1819, in-8o. — Antonio Zezon, Biografia di Vitt. Alfieri e delle sue opere ; Napol., 1835, in-12. — Vita di Vitt. Alfieri da Asti ; Milan, 1823, in-16. — Ginguené, Hist. littéraire de l’Italie.

ALFIROUZABADI (Abou-Taher-Mohammed-Ibn-Yacoub), historien et lexicographe arabe, né à Kavezoun, province de Schiraz, en 729 de l’hégire (1328-929 de J.-C.), mort à Zébid en 817 de l’hégire (1414-50 de J.-C.). Sa famille était originaire de Firouzabad, ville de la Perse ; de là le surnom d’Alfirouzabadi. Il était aussi surnommé Medjid eddin (Gloire de la foi). Après avoir fait ses études à Schiraz et à Bagdad, il visita les principales villes de l’Orient, Damas, Alep, Antioche, la Mecque, le Caire, où il résida quelque temps. Doué d’une mémoire prodigieuse, il nota tout ce qu’il vit de curieux dans ses voyages. Il reçut du fameux Timour un présent de 100,000 dirhems ; il composa, sur l’invitation du sultan de l’Yemen, un dictionnaire arabe, intitulé le Kamous, ou plus exactement Alkamousou-l-Mohitt (l’Océan environnant). Ce célèbre dictionnaire a été imprimé à Constantinople, 1818, in-fol., et à Calcutta, 1827, in-fol. C’est l’abrégé d’un plus grand ouvrage projeté par l’auteur, et qui devait renfermer le Mohakkem d’Ibn-Saïd et l’Obab de Hasan, les deux dictionnaires arabes les plus étendus. Le Kamous a servi de base au dictionnaire arabe-latin d’Antoine Giggei, Milan, 1632. Hamacker a donné la liste des autres ouvrages d’Alfirouzabadi, parmi lesquels on remarque une Histoire d’Ispahan, et une autre de Tayef, province de l’Arabie.

D’Herbelot, article Camus. — Hamacker, Spécimen cod. mss. orient. Lugd. Batav., p. 177. — Rossi, Dizion. storico, art. Firuzabadi. — De Sacy, Journal des savants, décembre 1819, p. 726. — M. Reinaud, Catalogue des mss. arab. de la Biblioth. nationale (supplément).

ALFON (Jean), peintre espagnol, natif de Tolède, vivait au commencement du quinzième siècle. Il fit en 1418 plusieurs ouvrages estimés, que l’on voit dans une ancienne chapelle de la cathédrale de Tolède.

Bermudez, Diccionario historico, etc.

ALFONSE (Alphonse) (2)[2], ALFONSO, AFFONSO, ALONSO. Nom d’un grand nombre de

  1. Madame de Staël, dans Corinne.
  2. (2) Ce nom étant d’origine néolatine, il faudrait toujours l’écrire, non pas Alphonse, mais Alfonse ; car la lettre ph n’existe pas dans les langues italienne, espagnole et portugaise, auxquelles ce nom appartient exclusivement.