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Page:Hoefer - Biographie, Tome 29.djvu/257

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LANTARA — LANTHENAS

Neuf, à regarder, dans une sainte extase, le soleil dessinant les arches des autres ponts et se mouvant en rayons brisés sur l’eau du fleuve ; il pleurait d’admiration. Une fois rentré dans son galetas ou remisé au fond de son café, Lantara peignait de mémoire les effets qui l’avaient ému, ou bien il dessinait à la lueur d’un quinquet, sur papier bleu, avec des rehauts de crayon blanc, tantôt des clairs de lune tranquilles et mystérieux, tantôt des levers de soleil dont il savait par cœur les teintes, les oppositions et les accidents. »

Vers la fin de sa vie, Lantara avait acquis de la réputation. Quelques amateurs éclairés tâchèrent de l’attirer chez eux. Mais il semblait que la dépendance éteignît son génie ; au milieu des séductions du luxe et du confortable, l’inconstant artiste ne savait rien produire ; et il retournait vite à son cabaret de la rue du Chantre. Un financier voulut être son protecteur : Lantara mangea et but quelque temps chez lui, puis il s’ennuya, et revint à l’auberge en disant : « J’ai secoué mon manteau d’or ». Un de ses Clairs de lune lui fut payé par le comte de Caylus cent écus. Lantara, surpris de se voir autant d’argent, emporta chez lui son trésor. Mais, comme le savetier de la fable, il eut peur des voleurs ; il consulta ses amis, et, après mûre délibération, il fut décidé qu’on boirait les cent écus pour qu’ils ne fussent pas volés. Il avait une profonde aversion pour les figures, et n’en mettait jamais dans ses tableaux. M. Charles Blanc affirme qu’il savait si peu faire ce qu’il appelait des bonshommes, que Tannay, Demarne, Barré, Bernard et surtout Josepb Vernet lui prêtèrent souvent leur concours pour animer ses paysages. Un jour un certain marquis lui avait commandé la vue extérieure d’une église avec ses environs ; le peintre n’y mit pas un seul personnage. Le marquis lui fit observer cette absence. « Ils sont à la messe, dit Lantara en montrant l’église. — Eh ! bien ! je prendrai votre tableau quand ils en sortiront, répliqua l’amateur. »

La misère et l’inconduite minèrent rapidement la santé de Lantara, qui dut chercher un refuge à l’hôpital de la Charité. Le supérieur le soigna, et parvint même à le faire travailler en flattant son penchant ; il lui promettait pour chaque dessin une visite à la cave. Lantara appelait cela « la carte à payer ». Sorti une première fois de l’hospice, il ne tarda pas à y rentrer : c’était le 22 décembre 1778 à midi ; à six heures il avait cessé de vivre ; il avait quarante-neuf ans. À son dernier moment, l’aumônier chercha à lui peindre les joies du paradis : « Vous êtes bien heureux, mon fils, lui disait-il, vous allez voir Dieu en face pendant l’éternité ! — Quoi, mon père, reprit le moribond, toujours de face ? Jamais de profil ! » Et il expira. Un bel esprit du temps composa et fit graver au bas du portrait de Lantara le quatrain suivant qui nous semble assez bien résumer la vie du grand artiste ;

Je suis le peintre Lantara.
La Foi m’a tenu lieu de livre,
L’Espérance me faisait vivre
Et la Charité m’enterra.

Malgré la rapidité et le décousu de sa vie, Lantara est resté l’un des premiers paysagistes français. Sa manière rappelle celle de Claude Lorrain. Il excellait dans la perspective aérienne ; il rendait d’une manière merveilleuse les différentes heures du jour ; les ciels de ses tableaux sont d’un ton vaporeux et fin et d’une exquise légèreté de touche:ses points du jour ont toute la fraîcheur du matin ; ses couchers de soleil, chauds et lumineux, n’ont pas moins de vérité ; ses clairs de lune sont d’un ton argentin, plein de mélancolie. Ses eaux sont toujours mobiles, transparentes et naturelles. Lantara a laissé peu de tableaux, parmi lesquels son portrait, mais beaucoup de dessins au crayon noir rehaussé de blanc. On cite entre autres un Orage et deux Vues de fleuves avec des ruines (1706) dans le genre de Joseph Vernet, qui probablement en a fait les personnages. Duret a gravé d’après Lantara La Rencontre fâcheuse ; Le Pêcheur amoureux ; L’heureux baigneur; Le Berger amoureux en quatre pièces. Piquenot a reproduit La Nappe d’eau et Les Chasse-Marée, deux pièces. Le Bas a gravé le premier livre des Vues des Environs de Paris, douze feuilles en long. Les œuvres de Lantara, signées de lui, sont fort recherchées. Le buste de ce maître, dû au ciseau de Guersant, a été solennellement inauguré le 6 juin 1852, par les soins de M. Émile Bellier de La Chavignerie. Une charmante pièce de Barré, Picard, Radet et Desfontaines, intitulée Lantara ou Le Peintre au cabaret, a obtenu en 1807, au Vaudeville, un succès populaire.

A. de Lacaze.
Charles Blanc, Histoire des Peintres, n° 40, École française, n° 20. — Ch-F. Lapierre, dans Les Hommes illustres de l’Orléanais, t. Ier, p. 33-60. — Le Bas, Dict. encyclopédique de la France. — Émile Bellier de La Chavignerie, Notice sur S.-M. Lantara. — Eugène Dauriac, dans Le Siècle, n° du 30 octobre 1836.

LANTERI (Francesco), littérateur italien, né en 1801, à Briga, mort le 15 janvier 1843, à Turin. Reçu docteur en 1823, il professa d’abord les belles-lettres à Casal, puis la littérature italienne à l’université de Turin; en 1840 il échangea cette chaire contre celle d’éloquence latine. On a de lui:Il Mattino d’estate ; Turin, 1821, in-8o ; — I due Cantici di Mosè ed altre Poesie sacre ; ibid., 1827, in-8o ; — Vocabolario Italiano e Latine, accresciuto di molte aggiunte ; ibid., 1833, in-4o ; — Storia della Monarchia di casa Savoja ; ibid., 1835, in-8o ; 2e édit., 1838; — et plusieurs pièces de vers insérées dans les recueils périodiques. K.

Tiraldo, Biogr. degli Italiani illustri, IX.

LANTHENAS (François), homme politique et publiciste français, né dans le Forez, vers 1740, mort en 1799. Médecin obscur à Paris au commencement de la révolution, il acquit une cer-