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ORLÉANS


prême. Louis, duc d’Orléans, de concert avec la reine, manda de par le roi à Louis de Bavière, frère d’Isabelle, de faire sortir de Paris et de lui amener le dauphin. Mais le duc de Bourgogne, instruit de ce fait, monte à cheval, s’élance à la poursuite du cortège royal, et malgré la faible résistance du frère de la reine, il ramène, d ’autorité, le dauphin dans la capitale. Cet affront porté à Loiiis,duc d’Orléans, valut à Jean sans Peur un redoublement de popularité. Louis, duc d’Orléans, ne s’arrêta point à cette injure. Il avait pris récemment pour devise un symbole, aussi insolent que téméraire, dans son allusion tacite à Jean sans Peur ; c’était un gourdin ou bâton noueux, avec ce mot : je l’ennuie (1). Le duc de Bourgogne y répondit en prenant de son côté pour emblème» an rabot, destiné, comme il fut dit plus tard explicitement, à planer le bâton noueux. Il y joignit cette devise, en flamand, dont le sens peut-être n’est point sans rapport avec de sombres desseins, que le duc Jean îTourrissait dès cette époque : Jch fioud (je le tiens). Peu de temps après, en juillet 1406, le duc d’Orléans mariait son fils Charles à la jeune reine d’Angleterre, Isabelle de France, veuve et vierge tout ensemble. Des fêtes magnifiques célébrèrent ces noces à Compiègne, en présence de toute la cour. Louis, duc d’Orléans, oubliant les querelles de la politique, y convia Jean sans Peur. Les deux émules se rencontrèrent dans cette fête, mais pour y faire assaut de luxe et de courtoisie. Tous deux, échangèrent leurs ordres et devises; tous deux y parurent, successivement et alternativement, parés du bâton noueux et du rabot, peint, brodé, en lames d’or et d’argent sur leurs robes de soie et de velours, toutes reluisantes d’orfèvrerie. Une année cependant s’était à peine écoulée, lorsque Jean sans Peur machina, contre Louis, duc d’Orléans, une trame aussi atroce que perfide. Décidé à en finir par le meurtre avec son cousin, le duc de Bourgogne renouvela, jusqu’au dernier jour, les témoignages les plus solennels et les plus expressifs de sa récouciliation avec Louis et de son amitié fraternelle; mais dans le même temps il concertait ’et préparait avec Raoul d’Octon ville, le guet-apens dans lequel Louis, duc d’Orléans, devait terminer sa vie. Le 23 novembre 1407, tout était préparé. Louis, duc d’Orléans, ce soirlà soupait chez la reine, à l’hôtel Barbette. Vers huit heures et demie, par unenuit noire, un écuyer du roi pénètre auprès du prince, et lui annonce que son frère le mande sans retard au palais royal de Saint-Paul. Aussitôt, le prince fait sel- (t) Innoceo ilti; verbe qui, dans le français du quinzième siècle, s’écrivait souvent avec un seul n : je l’envie. Louis, duc d’Orléans, plein de fatuité plutôt que de jalousie haineuse, frère et fils de roi, au comble des honneurs et de la puissance, n’enviait pas le duc de Bourgogne; ce sentiment n’était ni dans la situation ni dans le caractère de Louis. C’est donc par une véritable méprise, et au prix d’un contresens , que nos modernes historiens ont traduit la devise du duc d’Orléans par ces mois : Je l’envie.

er sa mule, prend congé de la reine, et se dirige vers l’hôtel du roi par la vieille rue du Temple. Une faible suite, composée surtout de valets, portant des torches pour éclairer le duc, l’accompagnait. Ce petit cortège arriva ainsi entre l’hôtel de Rieux et la maison de Notre-Dame. Louis, qui avait, selon sa coutume, fait gaiement sa cour à la reine, jouait sur sa mule avec l’un de ses gants et chantait.

Tout à coup, des hommes apostés et armés jusqu’aux dents sortent de la maison Notre-Dame (1), où ils se tenaient aux aguets. Les assassins étaient au nombre de dix-huit, commandés et dirigés par Raoul d’Octonville (2). En un instant, le duc est assailli, frappé malgré ses protestations et ses plaintes, renversé de cheval, et martelé de nouveau,, à coups redoublés,, de haches, épées et autres armes. Son bras droit était coupé, sa figure horriblement mutilée; de son crâne ouvert, la cervelle se répandit dans le ruisseau et sur le pavé. Ainsi périt, Louis, duc d’Orléans, dans le cours de sa trente-sixièmeannée.

Ce prince avait fait, en 1403, son testament, qui nous est resté. Les sentiments humains, généreux, bienveillants, même pour sou rival Philippe, duc de Bourgogne, et d’autres faits que l’on pourrait citer, montrent que Louis, duc d’Orléans, si loin qu’il se laissât entraîner par ses passions, n’était point une âme perverse. Bavait l’esprit et le cœur ouverts à des instincts élevés. Il aima les livres, en réunit un grand nombre,, et forma le noyau de la biblrothèque qui , par Charles d’Orléans et ses successeurs, devint la bibliothèque de Blois, l’un des grands affluents de notre immense collection nationale. Luimême cultiva l’étude et les lettres. On cite de lui quelques ballades , premier exemple où put se complaire son jeune fils, Charles d’Orléans, le duc poète. 31 s’exprimait avec une grâce et une facilité admirables. Sa faconde, jointe à des connaissances positives, qu’il avaitpuisées dans l’étude, contribuèrent à lui acquérir la réputation de sorcier. Son jardin de Saint- Marcel, où logeait, avec le titre de concierge, son premier médecin, renfermait des plantes médicinales et d’ornement. Ces essais précédèrent chez nous le Muséum d’histoire naturelle. Les monuments des arts que nous a laissés Louis, duc d’Orléans, ainsi que les vestiges de son opulente existence offrent de précieux documents aux recherches archéologiques. Vallet-Viriville.

Carions d’Orléans-Valois et manuscrits de Gaignières snr la généalogie de la maison d’Orléans; comptes des épices ou confitures de chambre de 1394 1409 ; cabinet des titres. Compte des revenus de Louis dnc d’Orléans (Ho4) en Champagne,- ms. s. fr. n» 1139. — Anselme, fiistaiM généalogique de la maison de France aux ducs d’Or- (1) Vis-à-vis du point occnpé aujourd’hui par la maison n° 47.

(2) -y oy ce nom. En 1392 et 1399, Fùuqves d’Ocrorçville était secrétaire de Louis, duc d’Orléans, et prit part à ses libéralités. (Catalogue Joursanvault, t. I, n« 529 et 545. )