Page:Hoefer - Biographie, Tome 38.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentiellement propre. Charles d’Orléans s’est acquis de la sorte un rang à part entre ses rivaux et contemporains. L’histoire littéraire a définitivement sanctionné en sa faveur cette distinction. Pour légitimer ce jugement, il suffira de rappeler le rondeau suivant, devenu à bon droit célèbre :

Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s’est vêtu de broderie
De soleil rayant, cler et beau.
Il n’y a bête ne oiseau
Qu’en son jargon ne chante et crie :
Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluie.

Rivière, fontaine et ruisseau
Portent en livrée jolie
Gouttes d’arpent d’orfèvrerie ;
Chacun s’habille de nouveau ;
Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluie[1].

Les bibliothèques de Paris, de Londres, de Grenoble, de Carpentras, contiennent une vingtaine de manuscrits, presque tous originaux, qui renferment les poésies de Charles d’Orléans. Ces manuscrits, qui n’ont jamais été consultés et rapprochés par un même éditeur, pourraient tous fournir à une nouvelle publication de ce poète des lumières utiles et nécessaires. Les deux textes qui paraissent les plus importants sont au département des manuscrits de la Bibliothèque impériale. Tous deux ont été à l’usage personnel du poète, et portent ses armes. Le premier, ou le plus ancien[2], paraît avoir été exécuté sous les yeux du prince en Angleterre, avant son retour de captivité. Il est divisé par séries : ballades, complaintes, chansons, rondels. Des blancs, ménagés de page en page et par cahiers entiers, ont permis de le compléter progressivement, jusqu’au déclin de la vie de l’auteur. Le second[3] est un livre d’apparat et d’un format plus grand, exécuté d’une seule main, vers 1458, avec luxe et pour décorer la demeure du prince.

L’abbé Sallier, en 1734, a le premier rappelé l’attention sur les œuvres poétiques de Charles, duc d’Orléans, dans un mémoire lu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres. De nos jours après la publication, très-imparfaite, de Chalvet, deux nouveaux éditeurs, MM. A. Champollion-Figeac et J. Marie Guichard, ont donné, concurremment, un texte à peu près complet de ce poète remarquable.

Vallet-Viriville.

Documents manuscrits, Direction générale des archives, J, 368, n° 1. K, 57, 58, 59, 64, 65 ; 270, 271, 272 ; L, 320, n° 29, P, 1339, f° xiix. Cabinet des titres : Orléans-Valois. Mss. Bréquigny, 80, 81 ; Doat, t. 9, p. 291 ; Harlay, n° 17, pièce 17 ; 500 Colbert, volume 308, f° 34 ; volume 5, f° 147. Gaignières, 894, etc., etc. — Imprimés : Monstrelet. Fenin. Godefroy, Charles VI et Charles VII — Dormoy, Histoire des comtes de Soissons, t. 2, p. 361. D. Plancher, t. IV, p. 168, 179. Rymer (1415-1441). — Lottin, Recherches sur Orléans, t. I. — Harris Nicholas, The battle of Agincourt ; Londres, 183., in-8o. — Mémoires de l’Académie des Inscriptions, t. XIII, p. 580 et s, — Chalvet. Poésies de Charles d’Orléans ; 1803, in-12. — A. Champollion-Figeac, Poésies de Charles d’Orléans ; 1842. in 8° et in-16. Louis et Charles d’Orléans ; 1843, in-8o. — J. Marie Guichard, Poésies de Charles d’Orléans ; 1842, in-16. — Fr. Michel, Rapports à M. le ministre de l’instruction publique ; 1839, in-4o, p. 61 et s., 274 et s. — Vallet de Virlville, Visite du British muséum. Notice du ms. Reg. 16, contenant les poésies de Charlesd’Orléans  ; extrait du Bulletin du bibliophile, 1845 ; Jean Chartier, Cousinot, in-16. — C. Beaufils, Étude sur la vie et les poésies de Charles, duc d’Orléans ; 1861, in-8o.

ORLÉANS (Gaston Jean-Baptiste de France, duc d’), fils puîné de Henri IV et frère de Louis XIII, né le 25 avril 1608, mort le 2 février 1660. Parmi tous les personnages historiques des temps modernes, il n’y en eut peut-être pas de plus remuant, de plus faible, de plus esclave de son entourage, que le duc Gaston d’Orléans. Nous nous étendrons peu sur ce prince. Sa biographie se confond avec celle de Richelieu, dont tout le ministère fut employé à surveiller, à déjouer et à punir les complots des grands, à la tête desquels on était toujours sûr de trouver Gaston, sinon comme chef, du moins comme drapeau. Il commence à résister, par les conseils de son gouverneur, d’Ornano, au projet de sa mère et du cardinal de Richelieu, qui veulent le marier avec mademoiselle de Montpensier, la plus riche héritière de l’Europe. Bientôt, irrité contre Richelieu, qui avait fait enfermer Ornano à Vincennes, il entre dans la conspiration de Chalais ; mais, effrayé du supplice de ce jeune fou, qui pour mériter les bonnes grâces de la duchesse de Chevreuse, dont il est épris, médite d’assassiner le cardinal, il fait sa soumission et consent à épouser mademoiselle de Montpensier. Ce mariage fut célébré à Nantes, au milieu des apprêts du supplice de Chalais. Après la mort de sa première femme, arrivée en 1627, il voulut encore, malgré sa mère, s’unir avec Marie de Gonzague, fille de Charles Ier, duc de Mantoue ; n’ayant pu y réussir, il recommença à intriguer contre le cardinal ; enfin, un jour, après une suite de réconciliations et de ruptures avec le ministre, à l’instigation de perfides conseillers, il va trouver Richelieu dans son hôtel, avec une nombreuse suite de gentilshommes, le menace brutalement de sa colère, et lui déclare en face qu’il est son ennemi mortel. Après cette équipée, il s’enfuit en Lorraine, sous prétexte d’échapper à la tyrannie du cardinal, s’y marie avec la sœur du duc Charles IV, et fait des préparatifs de guerre contre le ministre. Mais celui-ci déconcerte ces complots, entre en Lorraine, humilie Charles IV, et force Gaston à se séparer de sa nouvelle épouse, Marguerite de Lorraine, et à s’enfuir à Bruxelles, auprès de sa mère, qui s’y est, elle aussi, réfugiée. De là, Gaston entretient des correspondances avec les mécontents de France, et cherche à pousser les grands à la révolte ; il y entraîne le duc de Montmorency ; bientôt il entre en France à la

  1. Un de nos compositeurs les plus délicats et les plus
    distingués, M. de Vaucorbeil, a brodé sur ce thème poétique
    une mélodie digne de l’original.
  2. Ms. Lavallière 193, petit format.
  3. Ms. Fr., 1104.