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sement de l’œuvre villonesque dans le commencement du seizième siècle. De tous ces hommages posthumes le plus flatteur sans contredit pour notre poète, c’est l’édition de ses œuvres publiée par Cl. Marot (Paris, 1533, pet. in-8o), et dédiée à François Ier. Sans doute Marot ne lui attribuait pas les Repues franches, que depuis 1532 on a souvent mises à la suite du Grand Testament, et qui sont d’ignobles légendes de filous versifiées en termes d’argot. Après 1542 les éditions de Villon s’arrêtent pendant près de deux siècles. Patru cependant le goûtait ; La Fontaine le lisait, et Boileau lui consacrait ces deux vers, plus concis que clairs :

Villon sut le premier, dans ces siècles grossiers,
Débrouiller l’art confus de nos vieux romanciers.

En 1723 parut l’édition de Coustelier (Paris, pet. in-8o), avec les notes de Marot et de Laurière, et une lettre du P. du Cerceau, et en 1742 celle de Marchand (La Haye, pet. in-8o, en 2 part.), avec des fragments inédits. Bientôt Lenglet-Dufresnoy prépara son commentaire qui resta manuscrit et qui est à la Bibliothèque de l’Arsenal. En 1832 une édition procurée par Prompsault (Paris, in-8o) ramena l’attention du public savant vers les lacunes du texte. Enfin la plus récente et la meilleure est celle qui fait partie de la Bibliothèque elzevirienne (Paris, 1854, pet. in-12).

Aujourd’hui on rend pleine justice à Villon, à son inspiration sincère et naïve ; on lui sait gré d’avoir aimé la France, alors qu’il y avait à peine une France, d’avoir cru au Dieu du ciel, quand il était si fort avant dans la fange de la terre ; on lui sait gré d’avoir su dans un cadre si restreint être si varié, d’avoir tantôt ri, tantôt pleuré, quelquefois avec grâce, mais toujours de bonne foi ; quelques-uns aussi le louent pour avoir été le poète du peuple et des pauvres, alors qu’il n’y avait que les grands qui eussent le privilège d’inspirer nos trouvères. Comme dit fort bien Daunou, « Villon vient le premier de nos poètes, il vient avant Ch. d’Orléans, parce que le progrès de l’art des vers est sensible chez lui, parce qu’il a plus d’idées, plus de saillies, des tours plus piquants, des formes plus diverses, enfin parce qu’il ne demeure pas resserré dans le genre érotique, ni dans les limites étroites de la galanterie chevaleresque. » Pour tous ces motifs Villon peut prendre rang dans ce chœur de poètes vraiment nationaux, où brillent Marot, La Fontaine, Molière, Voltaire, Béranger, tous ceux qui ont eu le naturel, l’esprit, la verve, l’instinct de la liberté, le discernement qui voit le mal, la sensibilité qui s’en afflige, la philosophie qui en rit quelquefois, n’en pleure jamais longtemps, chez lesquels se retrouve cet ensemble de dons heureux qu’on pourrait appeler sinon la poésie, au moins le sens poétique en France.

F. Colinchamp

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Lettre du P. du Cerceau, dans l’édit. de Coustelier. — Goujet. Bibl. française. — Villemain, Cours de littér. fr. — Saint-Marc-Girardin, Sainte-Beuve, Ph. Chasles, Tableau de la littér. française. — Daunou,


dans le Journal des savants, sept. 1892. — Th. Gautier, les Grotesques. — D. Nisard, Hist. de la littér. française. — Nagel, Essai sur la vie et les œuvres de Villon ; Mulheim, 18.., in-8o. — Profilet, De la vie et des ouvrages de Villon ; Châlons, 1856, in-8o. — Campaux, Villon, sa vie et ses œuvres ; Paris, 1859, in-8o.

VILLOTTE (Jacques), missionnaire français, né le 1er novembre 1656, à Bar-le-Duc, mort le 14 janvier 1743, à Saint-Nicolas, près Nancy. Admis en 1673 dans la Compagnie de Jésus, il enseigna quelque temps les humanités, et fut envoyé en 1688 en Arménie, où le 15 août 1691 il fit profession des quatre vœux. Les jésuites avaient établi dans l’Orient plusieurs missions qui étaient en voie de prospérité, et bien qu’ils s’y fussent rendus les derniers, ils étaient devenus plus nombreux et plus influents que les capucins, les augustins, les carmes, les théatins et les dominicains, qui les avaient précédés depuis longtemps. Le P. Villotte montra beaucoup de zèle pour la propagation de la religion catholique ; il n’épargna point dans cette vue les courses les plus fatigantes ni les travaux les plus assidus. Il fit à Ispahan un long séjour, qu’il mit à profit d’une part pour détacher les Arméniens de l’obéissance à leur patriarche, et de l’autre pour observer les mœurs, les usages, le gouvernement, le commerce de la Perse, qu’il a décrits avec assez d’exactitude. Le 29 octobre 1708 il se mit en route pour revenir en France par Constantinople, et, après avoir rendu compte de sa mission, il se rendit à Rome (1709) pour y surveiller l’impression de ses ouvrages arméniens. De retour en Lorraine, il gouverna différents collèges de sa société, et mourut presque nonagénaire. On a de lui : L’Arménie chrétienne, ou Catalogue des rois et patriarches arméniens jusqu’en 1712 ; Rome, 1730, in-12 ; — Voyages d’un missionnaire en Turquie, en Perse, en Arménie, en Arabie, et en Barbarie ; Paris, 1730, in-12, revus et publiés par le P. Nicolas Frizon. Ses ouvrages écrits à l’usage des Arméniens et impr. au collège de la Propagande sont : Explication de la foi catholique (1711, in-12), Abrégé de la doctrine chrétienne (1713, in-12), Commentaire sur les Évangiles (1714, in-4o), et Dictionarium latino-armenicum (1714, in-fol.) Il a aussi trad. en français les Quatre maximes de la philosophie chrétienne (Rome, 1714, in-12), du P. Vanori.

Calmet, Bibl. lorraine.

VINCENT de Lerins (Vincentius, saint), religieux du cinquième siècle, mort vers 450. Il était d’une province de la Gaule Celtique ou de la Belgique. Il reçut une éducation distinguée, porta les armes pendant sa jeunesse, et se retira au monastère de Lerins[1], où il acquit une profonde connaissance des saintes Écritures et de la doctrine de l’Église. Élevé au sacerdoce et chargé de la direction de Salonius et de Veranus, fils de saint Eucher, il se fit connaître autant

  1. Situé dans l’île de ce nom, à deux lieues d’Antibes, et qui s’appelle aujourd’hui Saint-Honorat.