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ZOROASTRE, législateur religieux des populations bactriennes et fondateur de la religion appelée parsisme, du nom des Perses qui l’adoptèrent. Son époque ne peut être fixée qu’approximativement, et par une suite d’inductions dont chacune prise en soi est incertaine, mais dont l’ensemble offre quelque probabilité. Le premier écrivain grec qui le mentionne est Platon, et il le fait en termes indiquant qu’il ne s’agit pas d’un personnage récent. Ce témoignage nous reporte pour la date la plus récente possible de Zoroastre au milieu du cinquième siècle avant J.-C. ; et si en cela il ne nous apprend rien, car personne ne doute que Zoroastre ne soit en effet plus ancien que le cinquième siècle, il a l’avantage de se rejoindre au témoignage, bien plus important mais négatif, d’Hérodote. Cet historien connaissait bien la religion des Perses ; or nulle part il n’en nomme l’auteur, nulle part il ne donne à entendre qu’elle fût née ou eût été réformée à une époque connue de lui. La connaissance qu’Hérodote avait du monde médo-persique s’étendait,avec une certitude décroissante, du milieu du cinquième siècle au milieu du septième. Son silence sur la révolution religieuse qui donna lieu au culte des mages établit avec probabilité que cette révolution était antérieure, ce qui nous reporte au moins au huitième siècle avant J.-C. Est-il possible d’aller plus loin avec les documents grecs ? Ils consistent en général en assertions vagues, recueillies dans des auteurs postérieurs à Platon par des compilateurs beaucoup plus récents. On n’en peut rien tirer, même de probable. Un seul de ces renseignements mérite l’attention, d’abord par sa date (première partie du cinquième siècle), ensuite par son origine : il vient d’un Lydien, qui, né dans un pays soumis à la Perse, pouvait être plus à portée des sources originales ; c’est celui de Xanthus. Xanthus, au rapport de Diogène Laerce, comptait six cents ans depuis l’expédition de Xerxès jusqu’à Zoroastre, ce qui met celui-ci en 1080 avant J.-C, et place sa naissance et peut-être le commencement de sa mission au douzième siècle avant J.-C. Cette date est assez vraisemblable ; mais rien ne nous indique quel degré de confiance nous pouvons accorder à Xanthus. Son témoignage du reste confirme au lieu de la contredire l’induction tirée du silence d’Hérodote. Cette induction est-elle contredite par les témoignages orientaux, c’est-à-dire par ce qui nous reste des livres de Zoroastre ? Pas davantage. Quelques érudits se sont autorisés de la légende de Zoroastre et du Yaçna pour placer le fondateur du parsisme au sixième siècle avant notre ère. Le Yaçna parle d’un Vistaçpa, protecteur de Zoroastre : Vistaçpa est le même nom que Hystaspes ; de là à identifier le Vistaçpa du Yaçna avec l’Hystaspes, père de Darius, il n’y a qu’un pas. Mais ceux qui ont soutenu cette étrange opinion n’ont pas fait attention que le Vistaçpa (le Gustaçp de la tradition parse), ami de Zoroastre,


est dit fils de Lahuraçp ou Lohraçp, tandis que l’Hystaspes, père de Darius, était fils d’Arsame. Hérodote nous l’apprend, et son témoignage est mis hors de doute par les inscriptions cunéiformes de Behistoun et d’Artaxerxès II, qui donnent au grand-père de Darius le nom d’Arshâma. Il n’y a donc pas lieu de s’arrêter à l’opinion qui ferait de Zoroastre un contemporain de Cyrus. L’autorité d’Hérodote, corroborée par celle de Xénophon, qui nous montre le parsisme en vigueur chez les Perses avant Cyrus, s’ajoutant au témoignage de Xanthus, nous conduit à une période bien antérieure, mais vague, indéterminée (car nous ne pouvons accepter comme certaine la date précise de Xanthus), et que nous voudrions déterminer, s’il se peut, au moyen des documents originaux.

Ces documents sont les livres sacrés des Parses. Anquetil-Duperron, avec un admirable courage, alla les demander aux Guèbres de Surate, se les fit expliquer par eux, et les rapporta en Europe. La traduction qu’il en donna était un essai naturellement fort imparfait, plus propre peut-être à égarer qu’à instruire ; elle avait pourtant cet avantage de fournir une base aux recherches postérieures. Pour la première fois, le texte des livres sacrés des Parses était livré à l’examen de la critique européenne. Eugène Burnouf fit le second pas décisif dans cette étude par son Commentaire sur le Yaçna et ses études sur la langue et les textes zends dans le Journal asiatique. Depuis, plusieurs orientalistes, parmi lesquels il faut citer surtout MM. Martin Haug et Spiegel, ont marché dans la même voie, et grâce à leurs travaux on commence à se reconnaître dans ce sujet hérissé de difficultés.

Le Zendavesta, ou recueil des livres sacrés des Parses, se compose de six parties : le Vendidad, le Yaçna, le Vispered, le Sirozé, le Yecht et le Boundehesch. Le Vendidad est écrit en langue bactrienne, qu’on désigne par le terme impropre mais consacré de Zend (Zend voulant dire commentaire, explication de l’Avesta) ; il comprend vingt-deux fargards ou divisions, et offre quelquefois la forme d’un discours de Ahoura-Mazda (Ormuzd) à Zarathoustra (Zoroastre), plus souvent celle d’un dialogue entre cette personne divine et son prophète. Dans le premier fargard, Ormuz énumère à Zoroastre seize contrées créées par lui, le principe du bien, mais souillées par le principe du mal, Agra-Mainyou (Ahriman). L’énumération commence à l’Airyana (Ariane), et semble s’étendre à toutes les contrées successivement occupées par les populations ariennes jusqu’à l’époque du Vendidad. M. Jean Reynaud, dans un remarquable travail sur Zoroastre, a essayé, à l’aide des ingénieuses conjectures d’Eug. Burnouf, d’identifier les régions du Vendidad avec des contrées ou des villes historiques. Nous ne reproduirons pas cette restitution