Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/102

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m’appliquerai à recueillir le plus de renseignements possibles sur les habitants barbares de cette ville étrangère. Je me suis déjà fait raconter maintes choses excessivement curieuses sur leurs mœurs, leurs usages, leur langue, etc., et je te ferai fidèlement part de tout cela. — Etc., etc. »

Tu vois, cher lecteur, que tout en étant un grand savant, l’on peut être fort ignorant sur les circonstances les plus ordinaires de la vie, et même tomber dans les rêveries les plus étranges au sujet de choses universellement connues. Ptolomée Philadelphe avait étudié, et il ne connaissait pas même des étudiants, et il ne savait même pas qu’il se trouvait dans le village de Hoch-Jacobsheim, situé, comme tout le monde sait, tout auprès de la célèbre université de Kerepes[1], lorsqu’il écrivait à son ami pour lui rendre compte de l’aventure que son imagination lui avait présentée sous un jour si extraordinaire. Le bon Ptolomée s’était effrayé d’une rencontre de gais étudiants qui se promenaient dans les champs pour leur plaisir. Quelle crainte se serait donc emparée de lui s’il était arrivé une heure plus tôt à Kerepes, et si le hasard l’avait conduit devant la maison du professeur d’histoire naturelle Mosch Terpin, quand il se serait vu entouré d’une centaine d’étudiants, sortant pêle-mêle de cette maison, et disputant bruyamment sur vingt questions différentes. C’est pour le coup que cette confusion, cette agitation, ce brouhaha l’auraient étourdi et abusé d’hallucinations bien plus merveilleuses encore.

  1. Ce nom est imaginaire ; mais rien n’est plus fidèle que la peinture des mœurs universitaires, tracée ici par Hoffmann avec l’ironie spirituelle qui lui est familière, et qui distingue surtout, pour ainsi dire, chaque ligne de ce conte.