Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/105

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petit bois, à peine distant de deux cents pas de Kerepes. Son ami Fabian, un joli garçon à l’air dégourdi, et d’esprit non moins évaporé, courut après lui et le rejoignit à peu de distance des barrières.

« Balthasar ! — lui cria Fabian à haute voix, te voilà encore qui vas te réfugier dans le bois, et errer solitairement comme un Philistin mélancolique, tandis que les bons compagnons se livrent bravement au noble exercice de l’escrime ! Je t’en prie, Balthasar, renonce enfin à tes allures excentriques et déraisonnables, et redeviens encore un joyeux et bon diable comme autrefois. Viens ! — nous allons nous éprouver par quelques jolis assauts, et après, si tu tiens encore à la promenade, je t’accompagnerai volontiers.

» Ton intention est bonne, Fabian, répondit Balthasar, et c’est pourquoi je ne t’en veux pas de ce que tu m’obsèdes parfois dans toutes mes démarches, et m’empêches de jouir de maint plaisir dont tu n’as pas la moindre idée. Tu es décidément du nombre de ces gens singuliers qui tiennent pour un fou hypocondriaque tout homme dont le goût est de se promener solitairement, et qui veulent à toute force le traiter et le guérir à leur manière, à l’instar du courtisan flagorneur et efféminé auquel le digne prince Hamlet donne en revanche une si verte leçon, en protestant, quant à lui, qu’il ne s’entend nullement à jouer de la flûte. Je veux bien ne pas user du même procédé, mon cher Fabian ; mais je te prierai seulement, d’une façon bien cordiale, de chercher un autre complaisant pour ton noble fer-