Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/107

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et s’écria plein de ravissement : « N’est-ce pas, frère ! À présent ton cœur s’épanouit aussi, tu comprends aussi les mystérieux attraits de la solitude des bois ?

» Je ne le comprends pas précisément, mon cher frère, répliqua Fabian. Mais si tu veux dire qu’une promenade dans les bois te fait du bien, je suis entièrement de ton avis. Moi aussi, je vais volontiers me promener, surtout en bonne compagnie, et quand on peut se livrer en même temps à un entretien sensé et instructif. Par exemple, c’est un véritable plaisir que de faire une excursion avec notre professeur Moscu Terpin. Il connait la moindre petite plante, le moindre brin d’herbe ; il sait dire leurs noms scientifiques, à quelle classe ils appartiennent, les variétés de leurs espèces, etc. Il se connait au vent et à la température…

» Arrête ! s’écria Balthasar, je t’en conjure, arrête ! tu touches à une question qui pourrait me rendre fou, si je n’espérais en d’autres consolations. La manière dont le professeur parle de la nature me déchire l’âme ; ou plutôt, en l’écoutant, une horreur sinistre s’empare de moi, comme si je voyais un fou investi d’un pouvoir suprême, caresser dans son stupide délire une poupée de paille fabriquée de ses propres mains, et s’imaginant tenir dans ses bras sa royale épouse. Ses prétendues expériences me semblent une abominable dérision de la puissance divine, dont le souffle nous émeut dans toute la nature, et suscite dans les profondeurs de notre âme les plus intimes et les plus saints pressentiments. Souvent je