Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/153

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faire observer, — que mon petit collègue n’a pas encore rédigé une seule ligne. Les rapports qui ont eu le bonheur d’obtenir l’approbation de son altesse sérénissime sont mon ouvrage.

» Qu’est-ce que vous voulez ? » lui dit le prince en colère.

Cinabre s’était fourré auprès du prince attablé, et il faisait entendre un claquement de bouche désagréable en avalant alouette sur alouette avec voracité. Le jeune homme était effectivement le seul auteur des rapports ; mais le prince l’apostropha en ces termes : « Qu’est-ce que vous voulez : avez-vous seulement touché jamais une plume ? Et puis, cette manière malhonnête de mâchonner, et votre impertinence de manger ainsi tout près de moi vos alouettes, si bien que ma culotte neuve de casimir a déjà attrapé une tache de beurre, comme je m’en aperçois à mon vif regret ; — oui, tout cela prouve suffisamment votre incapacité absolue pour remplir le moindre emploi diplomatique. Faites-moi le plaisir de vous retirer chez vous, et ne reparaissez jamais devant moi, à moins que ce ne soit pour m’apporter une bonne pâte à dégraisser pour ma culotte de casimir. Peut-être alors me sentirai-je de nouveau disposé à la clémence. » Puis il reprit en s’adressant à Cinabre : « Des jeunes hommes tels que vous, digne monsieur Cinabre, sont un ornement de l’état, et ils méritent d’honorables distinctions. — Vous êtes dès à présent conseiller spécial intime, mon cher ami !

» Je vous remercie infiniment, croassa Cinabre en