Aller au contenu

Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avalant sa dernière bouchée et en s’essuyant les lèvres avec ses deux vilaines mains ; grand merci ! je m’acquitterai de cette charge comme on doit l’attendre de moi. — Noble confiance en soi-même ! dit le prince en élevant la voix, et qui prouve la haute capacité de ce digne homme d’état ! »

Après cette sentence, le prince but un petit verre d’eau-de-vie que le ministre lui versa lui-même, et qui lui fit grand bien. — Le nouveau conseiller fut placé entre le prince et le ministre. Il consomma une quantité effroyable d’alouettes, et but énormément de Malaga et d’eau-de-vie de Dantzig, avec des grognements sourds et continus, et se tremoussant violemment de ses petites mains et de ses petites jambes, parce qu’il atteignait à peine de son nez pointu au bord de la table.

Lorsque le déjeuner fut terminé, le prince et le ministre s’écrièrent tous deux : « C’est un trésor, un ange que ce conseiller spécial intime ! »

« Tu as l’air bien joyeux, dit Fabian à son ami Balthasar, tes regards étincèlent d’un feu particulier… tu te sens heureux ! Ah, Balthasar ! tu fais sans doute un beau rêve, mais il faut que je t’éveille : l’amitié m’en fait un devoir !

» Qu’est-ce donc ? qu’est-il arrivé ? demanda Balthasar consterné.

» Oui, poursuivit Fabian, il faut que je t’en instruise. Du sang-froid, mon ami ! songe qu’il n’y a peut-être pas d’événement au monde qui porte de coups plus douloureux, et dont il soit pourtant