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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/196

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» Monsieur ! s’écria aussitôt le nain furieux en se tournant vers l’inspecteur ! vous êtes fou, sans doute, ou vous êtes possédé du diable ! Apprenez que je ne suis pas un Belzebub caudâque ! je ne suis pas un singe hurleur ! je suis Cinabre, le ministre Cinabre, chevalier de l’ordre du Tigre moucheté de vert avec vingt boutons ! » —

» Je n’étais pas loin de là, et, m’en eût-il dû coûter la vie à l’instant même, je ne pus me contenir, et je partis d’un éclat de rire convulsif. — « C’est donc encore vous, monsieur le référendaire ! » me dit Cinabre de sa voix rauque en me lançant des regards enflammés de ses vilains yeux rouges.

» Mais les étrangers, Dieu sait comment cela se fit ! persistèrent à ne voir en lui qu’un singe des plus rares et des plus beaux qu’ils eussent jamais vus, et ils voulaient absolument lui faire manger des noisettes de Lombardie qu’ils avaient tirées de leurs poches. Cinabre alors tomba dans un accès de rage si violent, que la respiration lui manqua bientôt, et ses petites jambes fléchirent sous lui. Le valet de chambre, qui accourut à son secours, fut obligé de le prendre dans ses bras pour le transporter dans sa voiture.

» Cependant, je ne puis m’expliquer à moi-même pourquoi cette aventure me fait entrevoir une lueur d’espérance. Car voilà le premier accident qui soit arrivé à ce petit monstre ensorcelé.

» Ce qu’il y a de certain, c’est que dernièrement le matin, de très-bonne heure, Cinabre est revenu fort consterné de son jardin. Probablement, la dame