Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/208

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magicien ? Tu ne croyais pas autrefois à de pareilles choses ?

» Oh ! poursuivit Fabian d’une voix larmoyante, je crois à tout à présent, à la magie, aux sorciers, aux gnomes, aux lutins, au roi des rats et aux racines de mandragore ; je croirai à tout ce que tu voudras. Celui qui se sent comme moi victime d’une réalité est bien forcé d’y ajouter foi. — Tu te souviens du prodigieux scandale occasioné par mes pans d’habit à notre retour de chez Prosper Alpanus. — Ah ! si la chose en fût restée là ! — Jette un peu tes regards autour de cette chambre, mon cher Balthasar ! »

Balthasar se retourna et aperçut, pendus aux murs, un nombre infini de fracs, de redingotes, de kurtka, de toutes les coupes, de toutes les couleurs possibles. « Comment ! s’écria-t-il, est-ce que tu voudrais ouvrir un magasin d’habits, par hasard ?

» Ne plaisante pas, mon cher ami, répliqua Fabian. Tous ces vêtements, je les ai fait faire par les plus habiles tailleurs, espérant toujours que je parviendrais à me soustraire à la malédiction fatale qui me poursuit dans mes habits ; mais, espérance vaine ! quelques minutes à peine après que j’ai endossé l’habit le mieux confectionné, qui me va comme s’il eût servi de moule à mon buste, je vois les manches remonter d’elles-mêmes jusqu’à mes épaules, tandis que les basques s’allongent en une queue trainante longue au moins de six aunes. Dans mon désespoir, je commandai enfin ce spencer à manches de Pierrot qui n’en finissent pas. — Qu’elles remontent, les manches, pensais-je en moi-même, que les pans s’allon-