Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/209

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gent : soit ! tout arrivera au juste point. Mais ! au bout de quelques instants, ma veste eut le même sort que les autres habits ! Tout l’art et les efforts des tailleurs les plus renommés furent impuissants pour obvier à cet enchantement infernal. Que je fusse tourné en dérision, honni partout où je paraissais, cela se comprend facilement. Mais bientôt ma persistance, si involontaire, à me produire en public dans cet accoutrement diabolique me rendit l’objet de mille suppositions différentes. La moins offensive était le reproche que m’adressaient les femmes d’avoir la ridicule fatuité de vouloir absolument, et en dépit de tous les usages, faire voir mes bras nus, sans doute, disaient-elles, parce que je les croyais très-beaux. Mais les théologiens, qui pis est, ne tardèrent pas à me décrier comme un sectaire, et ils disputaient seulement sur le point de savoir si j’étais de la secte des panthéistes, à cause de mes pans, plutôt que de celle des manichéens, eu égard aux manches. Du reste, ils étaient parfaitement d’accord sur l’excessive perversité des deux doctrines également dangereuses, puisqu’à les entendre elles osaient établir toutes deux en principe une parfaite indépendance de la volonté, et ne mettaient aucune borne à la liberté de penser. Les politiques me regardaient, de leur côté, comme un infâme agitateur. Ils prétendaient que je voulais, au moyen de mes longs pans d’habit, exciter le mécontentement du peuple et le soulever contre le gouvernement, que j’appartenais à coup sûr à une société secrète dont le signe de ralliement consistait dans des manches courtes, que depuis long-temps déjà