Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/23

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que lui sautillait dans la chambre, en formant mille petits plis et replis si compliqués, qu’aux reflets des lumières on croyait voir se mouvoir plusieurs figures superposées les unes aux autres, comme celles des scènes fantasmagoriques d’Ensler. En même temps il se frottait les mains cachées sous de larges manches et s’écriait : « Froid ! froid ! très-froid ! — En Italie, c’est différent, bien différent ! » Enfin il prit place entre le grand étranger et moi, en disant : « Voilà une épouvantable fumée ! — Tabac contre tabac : si j’avais seulement une prise ! »

J’avais sur moi la tabatière d’acier poli, claire comme une glace, dont tu m’as fait cadeau un jour. Je la tirai aussitôt de ma poche pour offrir du tabac à mon voisin. Mais à peine l’eut-il aperçue, qu’il la couvrit de ses deux mains, et s’écria en la repoussant : « Arriére ! arriére cet abominable miroir ! » Sa voix avait quelque chose d’effrayant, et lorsque je le regardai tout surpris, je le trouvai métamorphosé. Le petit homme avait en entrant le visage ouvert et riant d’un jeune homme ; mais à présent c’était un vieillard aux traits flétris et ridés, pâle comme la mort, qui fixait sur moi des yeux caves et ternes.

Saisi d’effroi, je me rapprochai de mon autre commensal prêt à m’écrier : « Au nom du ciel ! regardez donc ! » Mais celui-ci était enfoncé dans l’examen de ses plantes du Chimboraço, et au même moment le petit dit à l’hôte dans son langage prétentieux : « Vin du Nord ! » — Peu à peu le dialogue devint plus animé. Le petit m’était, à la vérité, très-sus-