Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Notre conversation était peu active ; l’étranger paraissait très-occupé de toutes sortes de plantes rares qu’il avait retirées d’un étui, et qu’il considérait avec satisfaction. Je lui exprimai mon admiration pour ces jolies plantes, et comme elles paraissaient avoir été récemment cueillies, je lui demandai s’il avait été par hasard au jardin botanique ou bien chez Boucher. Il sourit d’une façon assez étrange et répondit : « La botanique ne parait pas être votre fort, autrement une question aussi… (il hésitait) — aussi sotte, murmurai-je à voix basse, — ne serait pas sortie de votre bouche, ajouta-t-il naïvement. Vous auriez, poursuivit-il, reconnu du premier coup d’œil des plantes alpines et celles-là d’entre elles encore qui croissent sur le Chimboraço6. »

Ces derniers mots, l’étranger les prononça à vois basse et à part lui ; mais tu peux t’imaginer quel singulier effet ils produisirent sur moi. Vingt questions expirèrent sur mes lévres ; et il me vint à l’esprit un soupçon de plus en plus décidé que j’avais déjà, sinon vu cet étranger, du moins plus d’une fois rêvé à lui.

On frappa de nouveau aux carreaux, l’hôte ouvrit la porte, et une voix s’écria : « Ayez la bonté de couvrir votre miroir ! — Ah, ah ! dit l’hôte, en jetant aussitôt un voile sur la glace, le général Suwarow arrive un peu tard. » En effet, bientôt s’élança dans la salle avec une vitesse traînante, je dirais presque une agile lourdeur, un petit homme sec, enveloppé d’un manteau d’une couleur brune toute particulière, et qui voltigeait autour de son corps, tandis