Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/239

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glotta : les chambellans firent de même, et puis ils partirent tous.

Devant la porte de l’hôtel se tenait la vieille Lise portant à son bras plusieurs rangées d’oignons d’un jaune doré, et les plus beaux que l’on pût voir. Le regard du prince tomba par hasard sur ces oignons : il s’arrêta, la tristesse disparut de son visage, et il dit avec un sourire gracieux et bienveillant : « Je n’ai de ma vie en vérité vu d’aussi magnifiques oignons, ils doivent avoir le goût le plus exquis. Sont-ils à vendre, ma bonne femme ?

» Oh oui ! très-gracieuse altesse ! répliqua Lise en faisant une profonde révérence, c’est avec ce commerce que je gagne ma vie, et bien péniblement, même dans les meilleurs jours. — Ah, le miel-vierge n’est pas plus doux : vous plairait-il en goûter, mon gracieux seigneur ? »

En même temps, elle présenta au prince une rangée de ses oignons les plus gros et les plus brillants. Celui-ci la prit en souriant, y porta les dents, et puis s’écria : « Chambellans ! que l’un de vous me prête son eustache ! » Quand il eut reçu le couteau, le prince pela un des oignons nettement et proprement, et il goûta de la pulpe. — « Quel goût ! quelle suavité ! quel parfum ! quel feu ! s’écria-t-il les yeux brillants de plaisir. Oui, il me semble en cet instant que je vois devant moi mon cher Cinabre défunt qui me fait signe et me dit à voix basse : « Achetez, mangez ces oignons, mon prince : le salut de l’état l’exige. »

Le prince jeta deux ou trois pièces d’or dans la