Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/264

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Donn’Anna était entièrement changée. Une pâleur mortelle couvrait son visage. Elle avait les yeux éteints, la voix tremblante et inégale ; mais l’effet n’en fut que plus déchirant dans le duetto avec son galant fiancé, qui, maintenant que le ciel l’a heureusement relevé du périlleux emploi de vengeur, ne songe plus qu’à procéder promptement à la noce.

Le chœur fugué avait magnifiquement complété l’ensemble et couronné le drame. Je courus à ma chambre dans l’exaltation la plus extrême qui m’ait jamais transporté. Le garçon vint me prévenir que le souper était servi, et je le suivis machinalement. — Il y avait brillante société à cause de la foire, et la représentation de Don Juan était le sujet de toutes les conversations. On loua en général les Italiens et le pathétique de leur jeu. Cependant, de petites remarques malicieuses jetées cà et là me prouvèrent qu’aucun d’entre eux ne soupçonnait l’intime et mystérieuse signification de ce chef-d’œuvre des opéras.

Don Octavio avait beaucoup plu. Pour donn’Anna, la plupart l’avaient trouvée trop passionnée. Il fallait, disaient-ils, se modérer un peu sur la scène, et ne pas tant s’abandonner à son émotion. Un des convives dit que le récit de l’attentat l’avait vraiment consterné. La-dessus il prit une prise de tabac, et, d’un air de finesse stupide tout-à-fait indéfinissable, il regarda son voisin, qui prétendait que l’Italienne était, du reste, une très-belle femme, mais trop occupée de sa mise et de sa parure. Dans cette même scène, une boucle de ses cheveux, selon lui défaite à