Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/287

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ments un modèle de grâce. Elle savait tirer des sons extrêmement variés de son tambour, qu’elle frappait devant elle, ou derrière son dos, tantôt le tenant au-dessus de sa tête, tantôt les bras étendus de côté, et dans vingt postures pittoresques. Parfois, on croyait entendre le bruit sourd d’une timbale résonnant à une grande distance, ou bien le roucoulement plaintif des tourterelles, et puis encore les grondements précurseurs de l’orage, tout cela mêlé au son clair et bien d’accord des petits grelots qui produisaient l’effet le plus agréable.

Le petit guitariste ne le cédait pas à la jeune fille pour la perfection de son jeu ; car il savait lui aussi manier son instrument avec des procédés tout particuliers, tantôt faisant ressortir avec force et netteté la mélodie caractéristique de la danse, tantôt l’enrichissant d’accords pleins et sonores, ou la déguisant sous un roulement sourd en passant la main sur toutes les cordes à la fois, suivant la méthode espagnole. L’accompagnement devenait toujours plus vigoureux et plus accentué, et le tambour de basque tintait plus bruyamment entre les mains de la jeune fille, qui multipliait de plus en plus hardiment ses sauts périlleux. Parfois, son pied se posait avec aplomb et assurance contre les œufs, à l’épaisseur d’un cheveu prés, de sorte que les spectateurs ne pouvaient s’empêcher de s’écrier, s’imaginant qu’un de ces jouets fragiles était écrasé. Les tresses noires de la danseuse s’étaient dénouées et voltigeaient sur ses épaules, ce qui joint à sa danse impétueuse, la faisait presque ressembler à une jeune