Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ménade. « Cesse ! » lui cria le nain en espagnol. Alors, toujours en dansant, elle toucha du pied chaque œuf l’un après l’autre, de manière à les rassembler en un seul tas, et puis, à un coup violent frappé sur son tambour et à un accord retentissant de la guitare, elle resta tout à coup immobile comme frappée d’enchantement. La danse était finie.

Le petit homme s’approcha d’elle et lui détacha le mouchoir qui couvrait ses yeux ; elle rattacha ses cheveux, reprit son tambour, et commença, les yeux baissés, le tour du cercle pour faire sa collecte. Personne ne s’était écarté. Chacun mit d’un air content une pièce de monnaie dans le tambour de basque. La danseuse arriva devant Euchar, et comme celui-ci s’avançait pour déposer aussi son offrande, elle s’y refusa. « Pourquoi ne veux-tu rien recevoir de moi, petite ? » demanda Euchar. La jeune fille leva la tête et, à travers l’ombre de ses cils noirs et soyeux, Euchar vit étinceler le pur regard d’une ardente prunelle. « Le vieux, dit-elle sérieusement et d’un air presque solennel, avec un accent étranger et creux, le vieux m’a dit, monsieur, que vous n’étiez arrivé qu’après la meilleure moitié de ma danse, je ne puis donc rien accepter. » En disant cela, elle fit à Euchar une gracieuse révérence, et rejoignit le petit homme, qu’elle débarrassa de sa guitare, et qu’elle conduisit à une table écartée.

Euchar, en la suivant des yeux, aperçut Ludwig assis non loin de là entre deux bourgeois respectables, ayant un grand verre plein de bière devant lui,