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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/295

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grâce touchante, conçoit d’injurieux soupçons pour tout ce qui ne rentre pas dans le cercle banal de ses sensations vulgaires !

— Là, là ! répliqua Euchar, ne l’échauffe pas tant, mon cher enthousiaste. Tu me reprocheras sans doute de soupçonner ta candide Mignon sans aucun motif plausible. Si j’ai dit cela, c’est que je viens de m’apercevoir que la petite, au moment sans doute où elle me serrait les mains, m’a dérobé cette petite bague ornée d’une pierre précieuse que je portais constamment au doigt, comme tu sais. Je regrette infiniment ce petit bijou, souvenir précieux pour moi d’une époque fatale.

— Comment cela ? au nom du ciel ! dit Ludwig baissant la voix, ce n’est pas possible ! Ce doux visage, ces yeux, ce regard si pur, ne peuvent pas mentir à ce point. Tu auras laissé tomber ta bague, lu l’as égarée ! — Eh bien, dit Euchar, nous verrons : mais il va faire bientôt tout à fait nuit, retournons à la ville. »

Durant le chemin, Ludwig ne cessait de parler d’Émanuela en lui prodigant les noms les plus doux ; et il prétendit qu’il avait très bien remarqué certain coup d’œil indéfinissable qu’elle lui avait lancé en s’éloignant, et qui prouvait quelle impression profonde il avait faite sur elle, sorte de triomphe du reste qui se renouvelait pour lui dans toutes les circonstances analogues, c’est à dire chaque fois qu’il se voyait mêlé à quelque aventure romanesque et excentrique. Euchar se garda d’interrompre son ami par une seule parole. Mais celui-ci s’exalta de lui-