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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/300

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naire autant d’admirables bûches ! Mais quant à Euchar, c’était autre chose. Si on lui adressait la parole, pendant qu’il était sagement assis, comme nous venons de le dire, les yeux baissés et la tête penchée, il tressaillait subitement, il bégayait et pleurait même quelquefois, et semblait être arraché à de secrètes et profondes rêveries. — Quand il était seul, il n’était plus le même. On l’avait surpris parlant alors avec vivacité, comme s’il se fût entretenu avec plusieurs personnes, et pour ainsi dire représentant sous une forme dramatique des actions, des histoires entières qu’il avait lues ou entendu raconter, et où tous les meubles qui l’entouraient, les tables, les chaises, les armoires figuraient pour lui des villes, des villages, des forêts et une foule de personnages. Surtout lorsqu’on lui permettait de courir seul en liberté dans la campagne, une exaltation toute particulière paraissait s’emparer de lui. Il bondissait, il jubilait de plaisir, il étreignait les arbres entre ses bras, baisait les fleurs de la prairie, se roulait dans l’herbe, etc. Ce n’était qu’à contre-cœur qu’il se mêlait aux jeux des enfants de son âge, et il passait pour poltron et apathique parce qu’il refusait toujours de participer avec eux à quelque entreprise hasardeuse, de risquer un saut périlleux ou une hardie escalade. Mais ce qui n’était pas moins remarquable aussi, c’est que, à la fin, quand tous les autres étaient découragés et avaient reculé devant les chances de l’exécution, Euchar restait tranquillement en arrière et faisait tout seul silencieusement ce dont les autres s’étaient vainement