Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/32

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séant, me considéra de son visage de jeune homme avec des regards pleins de douceur et de bienveillance, puis il me tendit la main, et prenant doucement la mienne, il me dit : « Dormez tranquille, monsieur ! Je m’aperçois que nous sommes compagnons d’infortune. — Seriez-vous aussi ?… Julie ! — Giulietta ! — Enfin, quoi qu’il en puisse être, vous exercez sur moi une séduction irrésistible : je ne puis faire autrement, il faut que je vous découvre l’affreux secret de ma vie. — Puis après, haïssez-moi, méprisez-moi !… »

Le petit homme, à ces mots, se leva lentement, s’enveloppa dans une ample robe de chambre, et se dirigea en silence, tel qu’un vrai fantôme, vers la glace, devant laquelle il s’arrêta. Ha ! — le miroir réfléchissait purement les deux lumières, tous les objets de l’appartement, et ma propre personne : mais l’image du petit homme en était absente, nul rayon ne renvoyait un seul trait de son visage, qui touchait presque la glace. — Il se retourna vers moi, le désespoir le plus profond peint sur sa physionomie, et pressant mes mains dans les siennes : « Vous connaissez à présent l’excès de mon infortune, dit-il ; Schlemibl, cette âme pure et bonne, est digne d’envie auprès de moi réprouvé ! il a vendu étourdiment son ombre ; mais moi !… moi, je lui ai donné mon reflet : à elle ! — Oh ! — oh ! — oh !… » En gémissant ainsi amèrement, et les mains croisées sur ses yeux, le petit regagna son lit en chancelant, et s’y jeta avec empressement.

Je restai stupéfait. Le soupçon, l’horreur, le mé-