Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/33

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pris, l’intérêt, la pitié, je ne sais moi-même tout ce qui s’émut dans mon âme pour et contre lui. — Cependant il commença bientôt à ronfler d’une manière si mélodieuse et si musicale, que je ne pus résister à la contagion narcotique de ces accents. Je couvris promptement le miroir, j’éteignis les lumières, je me jetai à l’instar de mon compagnon sur le lit, et je tombai bientôt dans un profond sommeil.

La nuit devait toucher à sa fin, lorsque je fus réveillé par le rayonnement d’une lueur éblouissante. J’ouvris tout-à-fait les yeux, et je vis le petit assis devant la table dans sa robe de chambre blanche, la tête enveloppée dans son bonnet de nuit, et me tournant le dos, qui écrivait assidûment à la clarté des deux flambeaux allumés. Il avait un air prodigieusement fantastique, et j’éprouvai un inconcevable vertige. Je tombai subitement sous l’empire des songes, et je me retrouvai chez le conseiller de justice, assis sur l’ottomane auprès de Julie.

Mais bientôt toute la société s’offrit à moi sous l’aspect d’un étalage de la Noël, chez Fuchs, Weide, Schoch ou quelque autre ; le conseiller me parut être une gentille poupée de sucre candi avec un jabot de papier joseph. Peu à peu, les arbres et les buissons de roses grandirent à vue d’œil.8 Julie se leva et me tendit une coupe de cristal, d’où s’échappaient en voltigeant de petites flammes bleues. En ce moment je me sentis tirer par le bras. Je me retournai et vis derrière moi le petit avec sa vieille figure, qui me dit à voix basse : « Ne bois pas, ne bois pas ! — Regarde-la donc bien… Ne l’as-tu pas