Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tempête lance sur la crête de ses vagues mugissantes les merveilles terribles de ses abimes. Tout ce qu’un courage indompté, une valeur à toute épreuve, tout ce que la haine, la vengeance, la fureur et le désespoir peuvent réaliser au sein d’une lutte à outrance, tout cela s’est vu et produit durant la guerre sanglante de l’indépendance espagnole. Je vais, sauf votre bon plaisir, vous raconter les aventures étranges d’un de mes amis, je l’appellerai Edgar, qui combattit en Espagne sous les ordres de Wellington.

Edgar, dans l’amer et profond chagrin que lui inspirait l’asservissement de l’Allemagne, sa patrie, avait quitté sa ville natale et s’était rendu à Hambourg, où il vivait solitairement dans une petite chambre qu’il avait louée dans un quartier écarté. Il n’était séparé que par une cloison de l’humble demeure d’un vieillard malade et qui ne sortait jamais. C’est tout ce qu’il savait de son voisin, qu’il entendait parfois gémir et proférer des plaintes douces et touchantes sans comprendre le sens de ses paroles. Au bout d’un certain temps, celui-ci marchait souvent dans sa chambre de long en large, ce qui semblait annoncer son retour à une meilleure santé. Un jour enfin il accorda une guitare et se mit à fredonner tout bas des airs qu’Edgar reconnut pour des chansons espagnoles.

L’hôtesse, qu’il pressa de questions plus positives, lui confia que le vieillard était un officier espagnol du corps commandé par le marquis de la Romana, que sa maladie avait forcément retenu à Hambourg, et que sans doute la surveillance secrète de la