Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/338

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fixement ; puis il dit d’un air sérieux : « Ha ! je sais ce qui t’a conduit ici. C’est un champ ouvert à ta haine : tu as tiré le glaive de la vengeance en faveur des prétendues libertés d’un peuple insensé ; et je ne puis te blâmer de cela. Tu me donnerais le droit de douter de ton amitié, si tu pouvais jamais me supposer capable de te trahir. Non, mon ami ! c’est au contraire à partir d’aujourd’hui que tu commences à être en parfaite sûreté. Écoute-moi : dorénavant tu passeras ici pour le représentant en voyage d’une maison de commerce allemande de Marseille que je connais depuis longtemps, entends-tu bien ! » Et le colonel n’eut point de repos qu’Edgar n’eût quitté sa retraite et ne fût emménagé, quoiqu’à sa grande répugnance, dans la plus belle des chambres que don Rafael Marchez avait mises à sa disposition.

Edgar s’empressa d’instruire le méfiant Espagnol de la manière dont tout s’était passé, et de ses anciennes relations avec Lacombe. Don Rafael se contenta de répliquer gravement et sèchement : « En effet, c’est un singulier hasard ! »

Le colonel appréciait très bien la position d’Edgar ; cependant il ne pouvait pas démentir l’esprit caractéristique de sa nation, chez laquelle la vive agitation et les bruyants plaisirs d’une vie dissipée passent pour un remède infaillible aux plus profondes blessures du cœur. Aussi voyait-on tous les jours le colonel se promener à l’Alameda bras dessus bras dessous avec le prétendu négociant de Marseille, qu’il entrainait dans les joyeuses parties de ses ca-