Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/337

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au moins durant le jour, à cause des Français logés dans la maison.

Edgar, sans savoir lui-même à quel propos, eut pourtant un jour la fantaisie de sortir dans le corridor. Mais au même instant où il venait d’ouvrir sa porte, celle qui se trouvait vis à vis s’ouvrit aussi, et un officier français accourut précipitamment vers lui, en s’écriant : « Mon cher Edgar ! quel destin vous a conduit ici ? soyez mille fois le bienvenu ! » À ces mots il embrassa le jeune homme avec effusion. Celui-ci avait, au premier coup d’œil, reconnu le colonel Lacombe, de la garde impériale.

Précisément à l’époque fatale de l’invasion des Français en Allemagne, le hasard avait conduit le colonel dans la maison d’un oncle d’Edgar, chez lequel il s’était retiré après avoir été forcé de déposer les armes. Lacombe était né dans le midi de la France. La parfaite bonté de son caractère, et, ce qui n’est pas précisément la qualité distinctive de ses compatriotes, son extrême délicatesse envers des hôtes irrités et blessés, parvinrent à triompher de l’aversion et même de la haine irréconciliable qu’Edgar portait fortement enracinées dans son âme contre d’arrogants vainqueurs. Bref, plusieurs beaux traits de cet officier qui mirent encore en relief la noblesse et la générosité de ses sentiments, lui concilièrent décidément l’amitié du jeune homme.

On peut se figurer combien celui-ci fut embarrassé, quand le colonel s’écria : « Edgar ! comment te trouves-tu donc ici, à Valence ? » Il était incapable d’ouvrir la bouche. Le colonel le regarda