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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/340

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notre âme ! Combien de fois, don Edgar, durant les nuits que j’ai passées près de votre lit, combien de fois ne m’avez-vous pas révélé ainsi vos sentiments et vos pensers les plus cachés ? Non ! don Edgar, vous ne pouvez pas être un traître. Mais prenez garde à vous, — prenez garde ! »

Edgar supplia le père Eusebio de lui dire quels soupçons pesaient sur lui, quel danger le menaçait. « Je ne veux pas vous cacher, lui dit Eusebio, que votre commerce avec le colonel Lacombe et ses amis vous a rendu suspect. On craint, même sans vous attribuer de mauvaise intention, que dans les transports du plaisir, à quelque joyeux festin, après avoir bu un peu trop du généreux vin d’Espagne, vous ne courriez le risque de trahir les secrets de cette maison, auxquels don Rafael vous a initié. Vous n’êtes pas, j’en conviens, à l’abri de tout danger ! — Cependant, poursuivit Eusebio, après une pause et les yeux baissés, en voyant qu’Edgar gardait un silence pensif ; cependant il y a un moyen de vous soustraire à cette chance de péril, vous n’avez qu’à vous jeter tout à fait dans les bras des Français : ils vous feront sortir sain et sauf de Valence.

— Que dites-vous ? s’écria Edgar avec impétuosité, vous oubliez que je suis un bon Allemand ! Non ! plutôt mourir en restant irréprochable, que d’assurer mon salut par une insigne lâcheté ! — Don Edgar ! s’écria le moine avec enthousiasme, vous n’êtes pas un traître ! » Puis, il pressa le jeune homme sur son cœur, et quitta la chambre les larmes aux yeux.

Au milieu de la nuit suivante, Edgar resté seul,