Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/378

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que je suis disposé à te raconter ; car j’espère qu’après cela le conseiller Reutlinger sera tellement présent à tes yeux avec toutes ses bizarres façons d’agir, que tu croiras l’avoir connu familièrement toi-même.

Dès le premier abord, tu trouves le château décoré, dans un style lourd et antique, d’ornements grotesques et bigarrés. Tu critiques avec raison le mauvais goût de ces peintures sur pierre, la crudité et le contraste choquant des couleurs ; mais après un examen plus attentif, il te semble qu’un esprit mystérieux et fantastique anime ces murailles peintes ; et c’est avec la sensation d’un frisson étrange que tu pénètres sous le porche spacieux. Les champs distincts des parois revêtues d’un enduit imitant le marbre blanc, sont couverts d’arabesques coloriées, aux couleurs tranchantes, où l’on voit des fleurs, des fruits, des pierres, des figures d’hommes et d’animaux accouplés et entrelacés de la manière la plus fantasque, et dont on croit soupçonner vaguement la signification mystérieuse.

Dans le grand salon qui occupe tout le rez-de-chaussée dans sa largeur, et dont le plafond en coupole s’élève plus haut que le deuxième étage, la plastique a reproduit en sculptures dorées tout ce que tu viens de voir indiqué dans les peintures du vestibule. Tu ne manqueras pas, à la première vue, de te récrier sur le goût corrompu du siècle de Louis XIV, de déclamer hautement contre un style aussi faux, aussi maniéré, aussi confus, aussi baroque ! Mais pour peu que tu partages ma manière de voir, et si, comme je me plais toujours à le supposer,