Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/389

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dans leurs jupes à cors et à paniers, et comme elles jouent à ravir de l’éventail. En vérité, moi-même, sous la perruque qui recouvre ma tête, je me sens inspiré par un esprit tout particulier de courtoisie antique ; et surtout à l’aspect de cette délicieuse enfant, la plus jeune fille du conseiller intime Foerd, la charmante Julie, je ne sais ce qui me retient de m’approcher d’elle, de mettre humblement un genou en terre, et de lui dire catégoriquement : “Charmante Julie ! quand donc, en payant de retour l’amour qui me consume depuis si long-temps, vous résoudrez-vous à rendre à mon âme le repos dont elle est altérée ? Il est impossible que cette merveilleuse beauté corporelle ne serve de temple qu’à une froide idole de pierre. La pluie creuse le marbre à la longue ; un sang impur amollit le diamant ; mais ton cœur ne peut se comparer qu’à l’enclume qui s’endurcit de plus en plus sous les coups répétés des marteaux. Plus mon cœur bat, plus tu deviens insensible. Laisse-donc ton regard si touchant se reposer sur moi : vois déjà comme mon cœur fond au feu de ses rayons, vois mon âme qui se consume dans l’attente de la rosée rafraîchissante qu’épanchera ta faveur. — Ah ! veux-tu me désespérer par ton silence, âme insensible ! Mais les rochers inanimés répondent par la voix de leurs échos à la voix qui les interroge ; et tu refuses de m’honorer d’une réponse, moi qu’une douleur inconsolable…”

» Je t’en prie, dit Ernest en interrompant son ami, qui avait débité tout cela avec les simagrées les plus