Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/399

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Chacun avait reconnu dans le jeune homme le secrétaire du conseiller intime Foerd, sur qui tous les regards s’étaient reportés avec curiosité. Mais celui-ci prenait prise sur prise et s’entretenait en français avec sa femme. Cependant l’ambassadeur turc s’étant enfin adressé directement à lui, il déclara nettement qu’il ne pouvait réellement pas s’expliquer quel génie diabolique avait si subitement lancé son jeune Max au milieu de l’honorable compagnie, ni le motif de ses remerciments exaltés. « Mais, ajouta-t-il, j’aurai bientôt l’honneur… » À ces mots il se glissa hors du salon, et Willibald s’empressa de le suivre.

Le trio féminin de la famille Foerd, c’est-à-dire les trois sœurs Nanette, Clémentine et Julie, étaient loin de montrer la même contenance. Nanette agitait son éventail, parlait de l’étourderie du jeune homme, et reprit le refrain de sa chanson : Amenez vos troupeaux, bergères ; mais personne n’eut l’air d’y faire attention. Quant à Julie, elle s’était retirée dans un coin du salon, le dos tourné à la société, dans le but évident de cacher non-seulement sa vive rougeur, mais même quelques larmes qu’on avait pu surprendre dans ses yeux.

« La joie et la douleur blessent avec la même gravité le sein de l’infortuné ; mais la goutte de sang que fait jaillir l’atteinte de l’épine ne colore-t-elle pas d’un rouge plus vif la rose pâlissante ? » Ainsi s’exprimait avec une emphase affectée la jeune Clémentine, toute imbue du style de Jean-Paul ; et elle pressait en même temps à la dérobée la main d’un gentil jeune homme blond, qui n’avait que trop légè-