Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/412

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blés dans le salon, lorsque, je ne sais moi-même à quel propos, il me prit la fantaisie de faire encore un tour seul dans le jardin. Mes pas se dirigèrent involontairement vers le petit bois. Là il me sembla tout-à-coup entendre un léger frôlement et le sourd murmure d’une voix plaintive. — Les sons semblaient venir du pavillon : je m’approche ; la porte du pavillon est ouverte, et j’aperçois — moi-même ! — moi en personne, mais tel que j’étais il y a trente ans, avec le même habit que je portais dans ce jour de funeste mémoire où je songeais à me soustraire au plus amer désespoir en mettant fin à une vie misérable, lorsque Julie m’apparut comme une ange de lumière dans sa parure nuptiale… C’était le jour de son mariage. — Eh bien, mon image, moi, mon propre individu, était agenouillé dans le pavillon devant le cœur rouge, et murmurait en frappant dessus de manière à lui faire rendre un son creux : « Jamais, jamais tu ne pourras donc t’attendrir, cœur de pierre ! » — Je demeurai stupéfait et immobile, un frisson mortel vint glacer mes veines. Soudain j’aperçois Julie dans tout l’éclat de sa parure nuptiale, rayonnante de fraicheur et de beauté, qui s’avance sous les arbres et qui tend les bras vers mon image, cet autre moi plus jeune de trente ans, avec l’expression de la plus vive tendresse. Je tombai sans connaissance ! »

Le conseiller, à ces mots, retomba encore à demi-évanoui dans le fauteuil ; mais Rixendorf saisit ses deux mains, les secoua et lui cria d’une voix forte : « Quoi ! c’est là tout ce que tu as vu, mon ami, tu