Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/476

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cheur le séduisirent irrésistiblement, si bien que sans plus s’occuper d’Angélique, ce fut sa sœur qu’il demanda en mariage au comte Z***, qui y consentit d’autant plus volontiers, que dès le premier moment Gabrielle avait manifesté un vif penchant pour le comte de S***.

Angélique ne témoigna pas le moindre chagrin de l’infidélité du comte. « Il croit m’avoir sacrifiée, le jeune fou ! il ne voit pas que c’est moi au contraire qui me suis jouée de lui et qui l’ai dédaigné ! » Tel était l’ironique langage que lui inspirait sa vanité, et en effet toutes ses manières semblaient constater la réalité de son mépris pour l’amant parjure. Du reste, depuis la déclaration des fiançailles de sa sœur avec le comte, Angélique ne se montrait plus que fort rarement, elle ne paraissait jamais à table, et passait son temps, disait-on, à rôder solitairement dans un petit bois voisin du château, qui servait depuis long-temps de but favori à ses promenades.

Un événement singulier vint troubler la vie réglée et tranquille qu’on menait au château. Les chasseurs du comte Z*** étaient enfin parvenus, avec l’assistance des paysans requis en grand nombre, à s’emparer d’une bande de bohémiens qu’on accusait d’être les auteurs de brigandages et d’incendies multipliés qui depuis peu désolaient la contrée. On conduisit dans la grande cour du château tous les hommes attachés à une longue chaîne, et une voiture chargée des femmes et des enfants. Mainte figure arrogante promenant autour de soi des regards farouches et hardis, à l’instar de tigres enchainés, semblait