Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/477

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caractériser le brigand et l’assassin décidé ; mais ce qui frappait surtout l’attention, c’était une femme vieille, hideuse, longue et décharnée, enveloppée de la tête aux pieds dans un châle d’un rouge de sang, et qui se tenait debout dans la voiture, en criant d’un ton impérieux qu’on la laissât mettre pied à terre, ce qu’on lui permit.

Le comte Z*** venait de descendre dans la cour et donnait déjà des ordres pour qu’on répartit les prisonniers dans les cachots souterrains du château, quand on vit tout-à-coup s’élancer précipitamment la comtesse Angélique, les cheveux en désordre et portant sur sa figure les signes d’une frayeur et d’une inquiétude mortelles. Elle se jette à genoux et s’écrie d’une voix déchirante : « Rendez la liberté, une pleine liberté à ces gens ! — ils sont innocents. Mon père ! ils sont innocents : fais-les mettre en liberté ! — Si une seule goutte de leur sang vient à être versée, je me plonge ce couteau dans le sein ! » Et elle brandissait en même temps un couteau à large lame, puis elle tomba elle-même évanouie.

« Eh, ma charmante mignonne, mon bien-aimé chérubin ! je le savais bien que tu nous protégerais. » — Ainsi s’écria d’une voix chevrotante la vieille au châle rouge, et, s’agenouillant auprès de la comtesse, elle couvrit sa gorge et son visage de ses baisers dégoûtants, tout en murmurant sans cesse : « Mon enfant, mon ange, réveille-toi ! — réveille-toi : voici le fiancé qui vient… Hi hi ! le joli fiancé ! » À ces mots, la vieille tira de sa poche une petite fiole remplie d’une liqueur transparente et limpide, dans