Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/609

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c’est le peintre qui nous fournit les différentes espèces de marbres, ainsi que cela a lieu précisément en ce moment dans notre église, qui sera bientôt, grâce aux libéralités de nos patrones, entièrement décorée à neuf. »

Je manifestai le désir de voir l’église. Le professeur m’engagea à descendre, et lorsque j’entrai sous la colonnade d’ordre corinthien qui formait la nef du temple, je ne fus que trop sensible à cette impression agréable d’une architecture élégante que mon guide venait de me vanter. À gauche du maître-autel était élevé un grand échafaudage sur lequel était debout un homme occupé à restaurer les peintures du mur dans l’ancien style français.

« Eh bien ! comment ça va-t-il, Berthold ? » lui cria d’en bas le professeur. Le peintre se retourna vers nous, mais il se remit presque aussitôt au travail en murmurant d’une voix creuse et presque inintelligible : « Un travail pénible ! des lignes embrouillées, des courbes confuses ; impossible de se servir de la règle — des figures d’animaux, de singes — des têtes d’hommes — des têtes d’hommes ! oh ! misérable fou que je suis !… » Il prononça ces derniers mots d’un ton que pouvait seule inspirer l’émotion la plus douloureuse. Je tressaillis malgré moi d’une manière étrange. Cet accent, ces paroles, l’expression de physionomie avec laquelle il avait jeté les yeux sur nous, évoquaient devant moi toute une vie déplorable d’artiste infortuné et méconnu. Cet homme pouvait avoir quarante ans au plus ; il y avait dans sa tournure, malgré son accoutrement de