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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/619

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gros pinceau bien lavé ! — Ah ! qu’est-ce que nos efforts et nos élans vers l’infini ? Rien autre chose que les mouvements désordonnés et sans raison de l’enfant qui meurtrit le sein de sa nourrice. — Le violet numéro 2 ! vivement, l’ami ! — L’idéal n’est qu’un songe trompeur et pitoyable produit par le bouillonnement du sang. — Enlevez les pots, compagnon, je vais descendre. — Mais le diable se plaît à nous abuser avec des poupées auxquelles il a collé des ailes d’anges ! »

Il me serait impossible de répéter exactement tout ce que dit encore Berthold en continuant à peindre fictivement et en se servant de moi comme si j’eusse été un véritable apprenti. Bref, il ne cessa point de préconiser sur le même ton de mordante ironie les bornes imposées à l’esprit humain ; — ah oui ! ses paroles sortaient d’une âme mortellement blessée à laquelle il ne reste d’autre langage que le plus amer sarcasme.

Le crépuscule matinal commençait à poindre, et la lueur des flambeaux pâlit bientôt devant les premières lueurs de l’aurore. Berthold peignait toujours sans relâche ; mais il devint de plus en plus silencieux, et à la fin, quelques faibles sons, quelques soupirs à peine s’échappaient encore de sa poitrine oppressée. Il avait donné à tout son travail une première couche avec la dégradation de tons convenable ; de sorte qu’à ce point déjà l’autel présentait à l’œil une saillie et un relief merveilleux. « Parfait ! m’écriai-je avec transport, réellement parfait !

» Croyez-vous, me dit Berthold d’une voix faible,