Aller au contenu

Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/622

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

veille, et à mes yeux s’offrit la plus magnifique peinture que j’eusse jamais vue. La composition était dans le style de Raphael, pleine de simplicité et d’une élévation divine. C’étaient Marie et Elisabeth assises sur un banc de verdure dans un beau jardin, et devant elle Jean et Jésus enfants jouant avec des fleurs. Sur le second plan, de côté, l’on voyait un homme en prière.

Les traits purs et divins, la majesté pieuse de la principale figure me remplirent d’étonnement et d’une admiration profonde. Elle était si belle ! plus belle qu’aucune femme sur terre ! mais son regard, comme celui de la madone de Raphael, de la galerie de Dresde, manifestait au plus haut degré la toute-puissance de la mère de Dieu. Ah ! comment ne pas ressentir, devant ces yeux miraculeux entourés d’ombres mystérieuses, l’ardeur d’un désir surhumain et insatiable ? comment douter que de ces lévres gracieuses, à demi entr’ouvertes vont s’échapper de mélodieux accords du concert éternel des séraphins ! — Un sentiment inexprimable me força de me prosterner dans la poussière devant la reine des cieux ! Incapable de proférer une seule parole, je ne pouvais détourner les regards du tableau magique. La vierge seule et les deux enfants étaient achevés. La figure d’Elisabeth paraissait attendre que l’artiste y mit la dernière main, et l’homme en prières n’était qu’ébauché. J’avais pressenti ce que le professeur ne tarda pas à m’apprendre. « Ce tableau, dit-il. est le dernier ouvrage que nous ayons reçu ; il nous fut envoyé, il y a quelques années, de la Haute-Si-