Aller au contenu

Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/624

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

coup trop long et demandait une haleine exercée. « Ne troublons pas, ajouta-t-il, cette belle journée par des choses aussi sombres. Allons déjeuner, et nous irons ensuite au moulin où nous attend un diner des plus soignés. » Je ne cessai pourtant pas d’obséder le professeur, et après bien des propos perdus, j’appris que Berthold, aussitôt après son arrivée au collège, avait pris en grande amitié un jeune étudiant à qui il avait confie peu à peu tous les événements de sa vie, que le jeune homme s’était appliqué a rédiger en forme de mémoires, et que le professeur Walter possédait son manuscrit.

« C’est un jeune enthousiaste ! comme vous, monsieur, avec votre permission, dit le professeur ; mais la rédaction de l’histoire surprenante de Berthold a été pour lui dans le fond une excellente étude de style. » J’obtins du professeur, non sans beaucoup de peine, la promesse qu’il me confierait le soir même, au retour de la campagne, le manuscrit en question. — Soit par l’effet de ma curiosité non satisfaite, soit à cause de l’influence du professeur lui-même, bref, je n’ai jamais éprouvé plus d’ennui que ce jour-là. Déjà la froideur glaciale du professeur relativement à Berthold m’avait indisposé contre lui ; mais sa conversation avec les convives, ses collègues, me convainquit qu’en dépit de toute sa science et de son savoir-vivre, son esprit était complètement étranger aux inspirations purement intellectuelles, et que c’était le matérialiste le plus crasseux qu’il y eût au monde. Il avait réellement adopté le système de manger et d’être mangé tel que Berthold me l’avait