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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/638

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perceptibles à les sens ! J’entendais en effet une harmonie céleste retentir de plus en plus distinctement dans l’espace, et il me semblait en même temps jouir d’un sens nouveau, grâce auquel je saisissais nettement et sans peine ce qui jusque-là ne m’avait offert qu’un mystère impénétrable. En voulant fixer le souvenir de ces révélations merveilleuses, je voyais mille traits de flamme se combiner dans les airs comme autant de fugitifs hiéroglyphes : et puis, du sein de cette vision fantastique surgissait insensiblement un magnifique paysage vivifié par les harmonies enchanteresses des bois, des eaux et des fleurs ! —

Mais ce n’était qu’en songe, hélas ! qu’une telle félicité venait consoler le pauvre Berthold abattu et épuisé d’esprit et de corps, comme à l’époque où il avait voulu devenir peintre d’histoire à Rome. S’il s’enfonçait dans un bois, un frissonnement nerveux s’emparaît de lui, et quand revenu dans la plaine il contemplait les montagnes lointaines, il lui semblait sentir sa poitrine déchirée intérieurement par des griffes glacées ; sa respiration s’arrêtait, il se croyait près de succomber à cet excès d’angoisse. Toute la nature, qui lui souriait autrefois si agréablement, devint pour lui un monstre menaçant, et sa voix amie, qui l’entretenait si doucement dans le murmure plaintif du vent du soir, dans le cours précipité des ruisseaux, dans le bruissement du feuillage, ne lui présageait plus que ruine et perdition. À la fin, cependant, l’influence bienfaitrice de ses délicieuses rêveries le rendit plus calme ; mais il évita de se