Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/637

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Le Maltais cessa de parler ; et tandis que Berthold, profondément ému, demeurait immobile, la tête baissée, incapable d’articuler une parole, il s’éloigna en lui adressant encore ces mots : « Je n’ai jamais eu dessein de te détourner de ta vocation, mais je sais que ton âme recèle le génie de l’art. J’ai voulu l’éveiller par d’énergiques paroles., afin qu’il s’affranchisse du joug qui pése sur lui et déploie librement ses ailes ! — Adieu. »

Il semblait à Berthold que le Maltais n’eût fait que formuler par ses paroles ce qui fermentait et bouillonnait au fond de son cœur. La voix de sa conscience se fit librement entendre. — Non ! ces efforts arides, ces peines multipliées ne sont que les tâtonnements incertains et trompeurs d’un aveugle, il faut y renoncer, il faut répudier tout ce qui, jusqu’à présent, m’a faussement ébloui. — Il ne lui fut même pas possible d’ajouter un seul trait à son esquisse. Bref, il quitta son maître, et on le voyait errer au hasard plein d’une anxiété presque farouche, et adressant tout haut au ciel d’ardentes prières dans le but d’être enfin initié à cette intelligence supérieure de l’art dont le Maltais lui avait parlé.

— Je n’étais heureux qu’en songe, bien heureux ! alors tout ce que le Maltais m’avait dit, je le voyais se réaliser. J’étais couché sous des bosquets verdoyants, et je respirais des exhalaisons balsamiques, et dans la brise mélodieuse qui traversait la sombre forêt, la nature me parlait un langage intelligible. Attention ! jeune adepte. — Prête l’oreille : écoule les accords primitifs de la création qui deviennent