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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/649

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pour me perdre à tout jamais qu’elle avait perfidement emprunté ces traits célestes. Dans le délire du désespoir, je la maudissais, elle et son enfant innocent ! et je souhaitais leur mort, pour me voir délivré de la torture infernale à laquelle j’étais en proie. D’exécrables pensées assiégèrent mon esprit. En vain lus-je dans la contenance effrayée d’Angiola, sur son visage pâle comme la mort et baigné de larmes, l’horreur de mon infâme attentat… « Tu as empoisonné ma vie, femme damnée ! m’écriai-je avec rage, tu t’es jouée de moi !… » Et l’ayant renversée avec le pied, je la vis suppliante embrasser mes genoux, et tomber sans connaissance ! —

La conduite cruelle et frénétique de Berthold à l’égard de sa femme et de son enfant provoqua l’attention de ses voisins, qui le dénoncèrent à l’autorité. On songea à l’arrêter ; mais lorsque les agents de police se présentèrent à son domicile, il en avait disparu avec sa femme et son fils, sans que rien pût mettre sur ses traces. Peu de temps après, on le vit reparaître à N...., dans la Haute-Silésie. Il n’avait plus ni sa femme ni son enfant avec lui, et il entreprit alors, sur de nouveaux frais, plein d’ardeur et de gaîté, le tableau qu’il avait tenté vainement de terminer à M.... Mais il ne put achever que le visage de la Vierge et les deux enfants. Il se vit atteint ensuite d’une maladie de consomption qui le mit sur le bord de la tombe, où il aspirait de se voir couché. Pour subvenir à ses besoins, l’on avait vendu tous ses effets, et même ce tableau commencé ; et à peine il se sentit un peu de force, qu’il s’en alla