Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/648

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Angiola elle-même, mais Angiola abâtardie et défigurée d’une manière horrible.

Cependant il espérait encore triompher, le pinceau à la main, de la puissance invisible qui paraissait acharnée à le persécuter. Il prépara une toile, et commença à peindre. Hélas ! tout son taient était éclipsé : il se consumait comme autrefois en de stériles efforts, ainsi qu’un enfant mutin et impuissant. Oui, sa peinture restait froide et inanimée ; et Angiola elle-même, Angiola son idéal, s’il la faisait poser devant lui, devenait sur la toile une figure de cire, morne et le regardant tristement avec des yeux de verre. — Alors, il se sentit de plus en plus miné par une sombre mélancolie, qui ferma son âme à toutes les joies de l’existence. Il ne put, il ne voulut plus continuer son travail ; et il tomba bientôt de la sorte dans une misère profonde, qui l’humiliait d’autant plus, qu’Angiola ne faisait pas entendre un seul mot de plainte.

— Cette impuissance funeste, qui ne faisait que s’accroître par les efforts continuels que je faisais malgré moi pour la surmonter, envenimait chaque jour ma tristesse profonde, et me mit bientôt dans un état voisin de la folie. Ma femme me donna un fils, ce qui vint mettre le comble aux misères de ma position ; et les sentiments d’aigreur long-temps comprimés que je nourrissais secrètement contre elle, éclatèrent en moi avec toute la violence d’une haine farouche. — C’est elle ! elle seule, qui est la cause de mon malheur. Non ! elle n’est pas la beauté idéale qui m’est apparue ; mais c’était seulement