Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grommèle et miaule ainsi qu’un chat. En outre, le vilain petit gars dévore autant de nourriture qu’un enfant de huit ans des plus vigoureux, et sans que cela lui profile encore ! Que Dieu ait pitié de lui et de nous, qui serons réduits à le substanter, même quand il sera devenu grand, pour notre crève-cœur et à notre préjudice ; car le malitorne ne manquera pas de bien boire et de bien manger de plus en plus, mais de sa vie il ne sera capable de travailler. — Non, non ! c’est plus qu’une créature n’en peut supporter sur cette terre ! Ah, si je pouvais donc mourir ! — mourir… » Et l’infortunée recommença à pleurer et à gémir, jusqu’à ce que, cédant à l’excès de la douleur et de l’épuisement, elle s’endormit tout-à-fait. —

C’était avec raison que la pauvre femme pouvait se plaindre de l’abominable avorton qu’elle avait mis au monde deux ans et demi auparavant. Ce qu’on aurait pu très-bien prendre au premier coup d’œil pour une méchante souche de bois noueux, représentait ce petit être contrefait, haut de deux palmes tout au plus, lequel s’était glissé en rampant hors de la hotte, où il était couché en travers, et se vautrait en ce moment sur l’herbe avec un grognement sourd. La tête de ce phénomène charnu était profondément emboitée entre les épaules ; à la place du dos s’élevait une excroissance en forme de courge, et immédiatement au-dessous de la poitrine pendaient deçà delà deux petites jambes aussi minces que des baguettes de coudrier, ce qui donnait à peu près à cette petite créature l’aspect d’un radis fendu