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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/788

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dants et à son costume élégant de diverses couleurs on aurait presque pu prendre pour une femme. Si la physionomie du vieillard provoquait dans l’âme une terreur secrète, en revanche dans les traits du jeune page se réflétait tout un monde de délicieuses et décevantes émotions. La vue de ces deux personnages captivait constamment Traugott d’une manière irrésistible, et cette fois encore, il arriva qu’au lieu de rédiger la lettre d’avis d’Elias Roos pour Hambourg, il demeurait absorbé par la contemplation du merveileux tableau, laissant sa main distraite griffonner sur la feuille de papier. Il était depuis quelques minutes dans cette situation, lorsque quelqu’un lui frappa sur l’épaule par derrière, et dit d’une voix creuse : « Bien ! très-bien ! bravo, jeune homme ! voilà qui peut tourner à bien. » Traugott, réveillé de sa rêverie, se retourna avec vivacité ; mais il demeura comme frappé de la foudre, muet de surprise et d’effroi, à l’aspect de la sombre figure du cortège qui se tenait près de lui, immobile, et qui évidemment venait de prononcer ces paroles, tandis qu’à ses côtés un jeune homme délicat et d’une beauté rare, lui souriait d’un air de tendresse ineffable.

« Mais ce sont eux ! se dit Traugott intérieurement, ce sont eux-mêmes. Les voilà prêts à se débarrasser de leurs sombres manteaux, et à se montrer dans leurs brillants costumes du vieux temps. » — La foule se pressait et s’agitait confusément, et bientôt Traugott perdit de vue les deux figures étrangères, mais lui restait stupéfait, dans la même