Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/795

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Un professeur de physique soutenait que l’esprit suprême des mondes devait, en praticien habile, avoir organisé quelque part une machine électrique gigantesque d’où s’échappaient mille courants mystérieux dirigés sur nous, à travers lesquels nous pouvions bien pendant long-temps courir à l’abri de leurs atteintes, mais qu’un moment arrivait enfin où, frappés au dépourvu par une commotion foudroyante, nous voyions tout subir autour de nous une complète métamorphose. Traugott avait sans doute fait une de ces rencontres fatales, au moment où il aperçut vivantes derrière lui les deux figures qu’il dessinait sans réflexion ; car cette étrange apparition l’avait frappé comme un coup de foudre, et semblait avoir donné une existence réelle et positive aux rêves et aux pressentiments confus de son âme. Adieu la timidité qui autrefois enchaînait sa langue dès que la conversation tombait sur les mystérieux sentiments qui le préoccupaient ! Aussi, quand l’oncle vint à critiquer les peintures si originales de la Cour d’Artus comme entachées de mauvais goût, et blâma le caractère romanesque des costumes de la milice, Traugott avança hardiment qu’il se pouvait bien, à la vérité, que tout cela ne s’accordât pas parfaitement avec les règles du bon goût, mais que néanmoins, pour lui, et sans doute aussi pour bien d’autres, les peintures de la Cour d’Artus évoquaient un monde merveilleux et fantastique, et que même il avait lu dans les regards de certains personnages de ces tableaux, regards plus significatifs, plus éloquents que des paroles, le présage assuré qu’il pour-