Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/799

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vers les cieux, absorber pour ainsi dire ces suaves émanations printanières qui fécondent l’âme et y réveillent tout un monde d’apparitions merveilleuses plein de vie et d’allégresse. Il croit voir surgir du sein des buissons mille images fantastiques dont son imagination est seule créatrice, et qui n’appartiennent qu’à lui, car c’est en lui que réside le génie magique de la couleur, de la lumière, de la forme ; et de là le secret qui lui appartient de reproduire fidèlement, et sous l’aspect le plus pittoresque, les tableaux enchantées qui se succèdent dans son esprit. Qui m’empêche de rompre avec cette odieuse manière de vivre ? Ce vieillard surnaturel a semblé constater qu’une vocation réelle m’entrainait à la pratique de l’art ; mais j’en crois surtout l’approbation tacite de son jeune et charmant compagnon. Car, à défaut de paroles, il m’a semblé lire dans son regard ce qui jusqu’alors n’avait été qu’un obscur pressentiment dormant au fond de mon cœur incapable de s’affranchir des doutes qui l’enchaînaient. — Ne puis-je pas, en échange du vil métier que je fais, devenir un peintre de talent !… »

En parlant ainsi, Traugotl déploya çà et là tous les dessins qu’il avait faits jusqu’alors, et les examina d’un œil scrutateur. Bien des choses lui apparurent alors sous un aspect tout différent et bien plus flatteur qu’autrefois. Un des essais de sa première enfance frappa surtout vivement son attention. C’était une esquisse abrupte et grossière, mais pourtant bien reconnaissable, du vieux bourguemestre avec son joli page, et il se rappela fort bien