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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/810

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surprenante ressemblance avec le jeune homme, si ce n’est que le visage du portrait avait plus de fraîcheur et d’éclat, et la taille plus de développement. Traugott tressaillit d’un ravissement indicible devant cette idéale image de femme. Pour la solidité et la vigueur du coloris, ce portrait eût rivalisé avec les meilleures productions de Van Dick. Ses yeux noirs jetaient sur Traugott un regard plein de langueur, et sur ses lévres entrouvertes paraissait errer un doux et tendre murmure.

« Dieu ! mon Dieu ! s’écria Traugott avec un profond soupir, où la trouver ?

» Allons ! » dit le jeune homme.

Mais Traugott s’écria de nouveau comme dans un accès de démence : « Oui, c’est elle, la bien-aimée de mon cœur, que depuis si long-temps j’adore en secret, qui jusqu’ici ne m’était apparue qu’en rêve. Où peut-elle être ? » — Des larmes s’échappèrent des yeux du jeune Berklinger, qui paraissait, livré à l’émotion convulsive d’une douleur subite, se contraindre péniblement pour affecter le calme. « Venez, dit-il enfin d’un air froid, ce portrait est celui de ma malheureuse sœur Felicitas. Vous ne la verrez jamais, elle est morte ! »

Traugott se laissa reconduire dans l’autre chambre, presqu’à son insu. Le vieillard était encore assoupi, mais tout-à-coup il s’éveilla en sursaut, et jetant sur Traugott un regard étincelant, il s’écria : « Que faites-vous ici, Monsieur ! » Le jeune homme s’approcha, et lui rappela qu’il venait lui-même d’expliquer à monsieur Traugott le sujet de son