Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/818

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Mademoiselle Christine parut sur le seuil de la porte, et après avoir relevé de la main le large bord de son chapeau de paille, demanda en souriant ce qu’avait son papa à mugir de la sorte. — « De semblables équipées ne me conviennent pas du tout, continua messire Elias en s’avançant vers Christine d’un air menaçant : mon gendre est d’un caractère mélancolique, et c’est un Turc pour la jalousie : j’entends qu’on reste gentiment au logis, sinon il arrivera ici quelque malheur ! Le cher associé est là pourtant qui se lamente et jette les hauts cris sur vos habitudes vagabondes, Mademoiselle ! » —

Christine, ébahie, consulta du regard le teneur de livres ; mais celui-ci tourna vers le comptoir un coup-d’œil significatif, en paraissant indiquer l’armoire aux verres où messire Elle avait l’habitude de serrer le flacon de liqueur.

« Qu’on entre ici bien vite consoler son petit mari ! » ajouta messire Elias, et il s’éloigna. Christine alla jusqu’à sa chambre pour s’ajuster un peu, pour donner le linge, s’entendre avec la cuisinière au sujet du rôti du lendemain, et se faire raconter par la même occasion quelques cancans ; et après cela son intention était bien d’aller s’informer de ce qui était arrivé au cher futur.

Tu n’ignores pas, cher lecteur, qu’il faut absolument, dans une position comme celle de Traugott, passer par un certain nombre de sensations successives qui se reproduisent constamment. Aux premiers transports du désespoir, succède un engourdissement stupide précurseur de la crise ; puis l’âme